« There Will Be Blood » de Paul Thomas Anderson : L’Ouest américain a-t-il perdu le Nord ?
There Will Be Blood montre que, aussi profonde, aussi humaine, aussi spirituelle soit-elle, l’Amérique sera toujours en retard sur son rêve. Que la nature véritable de l’Amérique, c’est donc de ne pas en avoir, c’est-à-dire encore d’avoir toujours été désenchantée. La crise du rêve américain n’est donc pas son supplément, son appendice. Elle ne lui vient pas de dehors, n’est pas son extérieur. Elle est ce qui structure l’Amérique. Elle lui est consubstantielle. Sa crise, c’est sa normalité, sinon le film n’aurait jamais débuté dans les tréfonds de la terre.
« There Will Be Blood », un film de Paul Thomas Anderson (2007)
Allait-on adorer There Will Be Blood ? Non pas l’aimer, mais bel et bien l’adorer. Car dans ce film de Paul Thomas Anderson, il était avant tout question de croyance. Or, pour adorer, il faut avant tout croire. D’abord, la critique l’avait suffisamment dit : ce film est un grand film, et devant un grand film, on ne pense pas, on vénère tête basse et dents sur les genoux. Ensuite, comme ces histoires que les enfants aiment écouter cent fois, qui rassurent, on allait sans doute adorer cette histoire qui nous conforterait à notre tour dans le mol oreiller de nos certitudes. Car après tout, c’est connu, le savoir et l’art ne sont-ils pas liés indéfectiblement à l’Europe, tout comme la liberté et l’initiative capitaliste à l’Amérique ? C’est que There Will Be Blood parle, précisément, de ce rêve-ci, américain, de son envers comme de son endroit. PTA (Paul Thomas Anderson), en effet, marque déposée de la déconstructionnite aigüe qui frappe son cinéma, après avoir derridianisé le film choral (Magnolia) et la comédie romantique (Punch-drunk love), s’attaquait enfin à ce brave rêve américain. Il était temps. Alors, son film, on allait sacrément l’adorer parce qu’il semblait énoncer cette vérité que l’intelligence raffinée d’européen moyen préservée des bondieuseries crétino-non laïques de l’Amérique et ses fils serait toujours prête à entendre : oui, le Mal commence d’abord Outre-Atlantique, le Mayflower ayant sans doute introduit, un jour de siècle finissant, la souillure dans le ventre de la bête sauvage et pure, le film rejouant les origines de l’Amérique symboliquement lorsque Daniel Plainview (Daniel Day Lewis) entend parler d’une petite ville de Californie où le pétrole sortirait littéralement du sol, s’y rendant croyant refaire sa vie en repoussant ses propres frontières comme celle de l’Amérique. Mais comment pouvait-il croire autrement quand Daniel porte un tel nom, Plain-view, vue simple, autrement dit, Daniel le simple d’esprit, mais positivement entendu : avoir le cœur pur pour accéder au paradis/à son paradis, s’il sait surmonter ses péchés le long du film, de l’envie de réussir à l’orgueil de se maintenir à cette hauteur. Une croyance qu’un prédicateur fou-fluet rappellera sans cesse. Qui s’appelle Eli, l’un des derniers juges d’Israël dans la vraie Bible. Mais quelles étaient donc les pièces du procès ?
Si la vie d’un enfant se joue dans les deux premières années de sa vie, selon tout pédo-psychiatre dégourdi, celle de There Will Be Blood se prépare dans ses cinq premières minutes gestatrices. Cinq premières minutes terribles qui font claquer ensuite leur logique élastique sur le visage d’Eli-l’Ecclésiaste à la dernière seconde du film. En effet, ce faux prophète, en se reniant lui-même vénalement, pour de l’argent, monnayant des terres comme son propre père qu’il vend à Daniel, dans l’espoir de fonder son église, sera finalement jugé et tué par les mains mêmes de Daniel, notre principal protagoniste. La fin a donc été macérée, en réalité, bien en amont, dans ses premières minutes fondatrices. En effet, tous les ingrédients semblent en place dès le début du film pour l’apocalypse à venir, c’est-à-dire le sacrifice du rêve américain sur l’autel du profit, pense-t-on trop hâtivement : musique terrifiante, plan d’ensemble sur l’immensité du désert américain, puis l’enfer déjà dans les entrailles de la terre : Daniel-le-faux (le-vrai-Day-Lewis dans la vie), barbufié, la pioche à la place du poing, seul, dans une galerie souterraine, qui cogne contre la paroi, à la recherche du sang de la terre : son pétrole. Mais le chemin sera de croix, dès le départ : étincelle, affûtage de la lame de pioche, remontée vers la lumière, accident. Daniel tombe, se blesse mais ramasse une pépite d’or noir/Daniel chute dans le péché qu’il espère sans doute véniel, digne de pardon, puisqu’il faut bien vivre, puisqu’il faut bien manger ; puis se traîne jusqu’au comptoir de la ville pour la pesée : le rêve est au bout de l’effort. Oui, il y aura du pétrole, et Daniel peut commencer sa prophétie : l’Amérique a besoin aussi de fric.
Après un quart d’heure de film, les premières paroles échangées consistent dès lors seulement en une estimation des gains des puits de pétrole de Daniel, (2000 barils, 5000 $ la semaine, lui dit-on). Bref, tout se monnaierait dans There Will Be Blood : les terrains, les âmes aussi disait Gogol, les gamins eux-mêmes parlant chiffre avant de parler chiffons (le petit H.W., adopté par Daniel après la mort de son père dans un puits de forage, discutant avec la petite Mary Sunday, qu’il épousera plus tard), et les fils, devenant avec l’âge concurrents des pères (H.W., toujours, qui veut développer sa propre affaire). Alors, s’il y a du rêve américain, c’est qu’il sera bien sûr question de quête ici, pense-t-on trop rapidement, de chute, de rédemption, de trahison, d’abandon, etc. Du cinéma de facture classique, en somme. Mais si vous croyez que PTA nous raconte seulement l’envers de l’endroit du rêve américain, si c’est cela que vous pensez, alors nul ne sera béni des dieux. Parce qu’Eli-le-prédicateur, au fond, c’est lui : il montre la lune, nous regardons son doigt. Le bonimenteur n’est donc pas celui qu’on croit. Et si Daniel lui-même, prospecteur dans le film, vend ses services aux propriétaires terriens en les abusant, c’est d’abord PTA qui voudrait nous exproprier de tous nos clichés sur l’Amérique. PTA ne filme pas vraiment la volonté d’entreprendre et l’esprit d’initiative, cette ode qui capitalise sa liberté. A rebours, PTA dit tout le contraire de ce qu’il filme ; plutôt, il dé-filme ce qu’il filme, c’est-à-dire le rêve américain. En enfermant ses personnages dans le marbre mi-marmoréen, mi-manichéen, en jouant leur avenir dans les premières minutes du film, projette sur eux une destinée unique. Personne n’a le choix. Tout, dans There Will Be Blood, depuis le sens du cadrage, le choix de la musique, les travellings frontaux, le scénario, l’épaisseur crasse des personnages, interdit une échappée. Aucune place faite, aucune place nette pour l’autonomie dans le film. Car Daniel, s’il est prophète biblisé, n’a strictement rien à dire en réalité. Comme personnage, il ne jouit d’aucune liberté. Sa prophétie à lui, ce n’est pas le cantique des cantiques, la chanson du self made man, mais le jeu de jambes. Autrement dit, il possède une foi de marionnette : s’il va autant de l’avant dans There Will Be Blood, s’enrichit, c’est qu’il y est irrémédiablement conduit par PTA. Démiurge, celui-ci l’a construit comme une idée. Et filmer une idée revenait à tourner sur le vide, autrement dit, encore, sur une croyance… Bref, Daniel ne serait-il pas plus stakhanoviste que capitaliste ?
Dès lors, si l’inconscient est structuré comme un langage, ce cinéma parle fort et distinctement, à bien l’entendre. Il y a alors à reconnaître que ce film est tout autre que celui que l’on nous présente. Pour preuve, Eli, encore gamin, fils des Sunday, vient trouver Daniel chez lui. Il lui promet que du pétrole se trouve en quantité sur les terres de son père. Daniel vérifie, et roublard, refait sa petite comédie. Il achète toute propriété environnante. Le projet est à sa mesure : s’auto-suffire pour s’affranchir des grandes compagnies, construire une ville autour de ses puits. Eli-une-fois-devenu-le-prédicateur veut seulement son église en contrepartie. Il l’aura. Mais comme il ne bénira pas le premier puits de la ville – ce qui avait été promis par Daniel – c’est lui qui le dit, l’apocalypse débutera. Une Amérique schizophrène prend donc ses quartiers, dont l’épisode du faux frère de Daniel, usurpateur d’identité, témoigne. L’Amérique abandonne alors ses fils dans le film, fils qui, à l’instar de H.W., deviennent sourds : si la monnaie est encore trébuchante, si elle ne craint pas le jugement en grammage du trébuchet, elle n’est plus sonnante : son métal a non pas perdu son âme d’enfant, il n’en a jamais eu.
La force de There Will Be Blood, dès lors, est que PTA ne croit pas lui-même à cette histoire : il feint de nous faire penser qu’il existerait bien quelque chose comme un rêve américain qui aurait été dénaturé, ensuite, par la folie capitalo-libérale des hommes. En ce sens, s’il croyait vraiment à l’existence de ce rêve, aurait-il fait lui-même un excellent prédicateur. À travers la thématique du désenchantement, en effet, s’énonce toujours une problématique de la chute (symbolisée sans doute à travers celle de Daniel dès les premières minutes du film), une chute qui aurait bien, dès lors, pour horizon nostalgique quelque chose qui aurait disparu, quelque chose qui serait donc comme une essence de l’Amérique qu’il s’agirait de retrouver ou, a minima, d’entretenir dans un espoir, qui nous contraindrait de croire a ceci, précisément : au rêve américain. Or, le thème de la dégradation, comme dans le film, la corruption de l’Amérique, est un thème naturaliste par excellence, que le cinéaste feint de filmer comme un naturaliste justement, dans sa décomposition même. PTA, s’il filme l’envers du décor américain, ne croit pas cependant fermement à son rêve, qu’il nous monnaierait à son tour. Sinon, PTA ne filmerait plus : il évangéliserait. Il ne ferait donc pas plus, ni moins, que chacun de ceux qui au moins ont la politesse de nous vendre frontalement, s’en sans cacher, du beurre de cacahuètes mêlé à son pop-corn U.S. value. Mais PTA ne partage pas le même présupposé qu’eux : qu’il y aurait bien de l’idéal sous le gras. Au contraire, There Will Be Blood montre que, aussi profonde, aussi humaine, aussi spirituelle soit-elle, l’Amérique sera toujours en retard sur son rêve. Que la nature véritable de l’Amérique, c’est donc de ne pas en avoir, c’est-à-dire encore d’avoir toujours été désenchantée. La crise du rêve américain n’est donc pas son supplément, son appendice. Elle ne lui vient pas de dehors, n’est pas son extérieur. Elle est ce qui structure l’Amérique. Elle lui est consubstantielle. Sa crise, c’est sa normalité, sinon There Will Be Blood n’aurait jamais débuté dans les tréfonds de la terre, Daniel pioche en main, le visage noir comme une terre retournée. Voilà ce que dit le film, qu’il n’y a jamais eu de rêve américain, qu’il n’y en aura jamais, qui dit donc le contraire de ce qu’il filme. Car rêver n’est pas mystifier.
Finalement, c’est donc à un véritable principe de désacralisation auquel chacun est convié dans le film, avec leitmotiv pour réquisitoire : sauver le rêve de son Amérique, sauver l’Amérique de son rêve.
Post-scriptum : échange entre David Fonseca et Des Nouvelles du Front sur Facebook
Des Nouvelles du Front (le 14/01/2021) : Étrange dialectique : d'abord l'Amérique est en retard sur son rêve, ensuite son rêve est un inexistant, enfin le rêve s'expérimente comme une crise structurelle. Le rêve américain glisse entre les doigts de qui en interroge l'image. En oubliant un rêve américain, un vrai, c'est-à-dire trahi et réalisé, la société des camarades non seulement écrite mais vécue par Walt Whitman et les transcendantalistes, ensuite revécue avec le second rebond de la beat generation. Le rêve américain tiendrait sûrement du phantom thread ou de l'inherent vice : de la réalisation comme trahison. Comme le mariage de la carpe et du lapin, les amalgames du réel et de l'idée sont toujours des montages d'impureté.
David Fonseca (le 17/01/2021) : En vous remerciant, une précision qui, évidemment, signale aussitôt par l’effet de sa seule présence les carences à signifier comme l’impossibilité qu’il y aura toujours à dissiper les malentendus, qui entretient sans doute le processus d’écrire à l’infini, le sens échappant en permanence à le quêter : un rêve, comme un idéal, n’est jamais censé s’incarner dans les faits. Difficile d’être à l’heure, donc, pour filer la métaphore. On ne sera jamais au rendez-vous, à midi pile, toujours en retard sur son rêve, qui ne sera donc jamais un existant au sens où il ne disposera jamais d’une réalité matérielle, car un rêve n’est ni un objectif encore moins un projet, sauf à rabattre les catégories les unes sur les autres. Cependant, ce défaut de matérialité dans le film est particulier, ce rêve n’ayant pas moins une constitution singulière, me semble-t-il. Précisément : être en retard sur celui-ci ne signifie absolument pas qu’il existerait au préalable, de sorte qu’il soit connaissable par Daniel et consorts comme il serait possible qu’ils en aient une représentation fidèle qui permettrait de juger de l’écart entre le rêve et la réalité. Dans le film, le rêve (américain) n’est pas disponible mais indisponible, qui oblige dès lors Daniel d’aller son chemin : en ce sens n’existe-t-il pas. Il n’est pas donné a priori, il se dévoile se commettant, j’allais dire : se contre-faisant en permanence.
Ce rêve, donc, n’en existe pas moins, sans doute de façon immatérielle, mais de curieuse manière : s’il permet/autorise une direction, ce n’est qu’à s’établir chemin faisant, qui produit aussitôt un effort pour tendre vers ce qui ne peut se découvrir qu’en allant, car si tout était disponible, déjà-là, pourquoi diable pour Daniel continuer d’aller plus avant ? Il n’est pas, en ce sens, un existant mais un inexistant, au sens d’un idéal de type particulier dont l’horizon ne se dévoile qu’à le creuser (comme le fait Daniel dans sa galerie souterraine) : drôle de boussole qui orientant désoriente, sa « réalité » d’inexistant n’étant pas simplement immatérielle, au fond, c’est-à-dire vaporeuse, diffuse mais se trouve dans un état d’indisponibilité contraignant à agir afin de le découvrir. Curieux idéal, puisque la destination ne peut que sans cesse échapper, ce rêve n’existant pas, une fois encore, en préalable de toute action, sorte de Trésor de la Sierra Madre : une quête dont la lucidité doit permettre, au minimum, d’apercevoir que malgré cette impossible destination à atteindre, le seul voyage en vaut sans doute la peine, sinon à quoi bon (impossible destination à atteindre au sens où elle n’est jamais connue initialement mais ne peut que se dévoiler postérieurement) ?
Le Magicien d’Oz ne dit pas autre chose : au début, tout est sans saveurs. Un monde sépia. Sans travail ni loisir. Puis, un jour, la tempête, qui ouvre une voie. Un chemin d’or, pour mener chacun jusqu’à l’Oz. Mais y découvrir, en arrivant, que son roi n’est capable, au mieux, qu’allumer quelques mèches et faire voler en éclats le monde à l’aide de quelques malheureux pétards. Je ne peux rien pour toi, dit-il finalement à ceux qui étaient venus trouver réponse auprès de lui sur le sens de leur existence. Mais à quoi sert-il d’être venu si tout était semblable à l’ennui qui était le mien ? Parce que si tu n’étais pas venu, dit au fond le roi, tu ne le saurais pas. Il faut faire le trajet, voyager, agir, pour comprendre un jour que cela ne sert strictement à rien. La fatigue d’aller, tout repose dans l’ordre labyrinthique de cette recherche, qui implique une activité d’artisan besogneux comme l’est Daniel dans le film. Aridité de la démarche qui lui/nous dédie le risque de ses pas. Pessoa : « La seule attitude digne d’un homme supérieur, c’est de persister tenacement dans une activité qu’il sait inutile, respecter une discipline qu’il sait stérile, et s’en tenir à des normes de pensée, philosophique et métaphysique, dont l’importance lui apparaît totalement nulle. »
Le voyage place donc celui qui s’y astreint en situation de « crise », au sens hippocratique du terme : trouver sa véritable « nature », qu’il s’agisse de celle de l’Amérique ou d’un être humain en quête de sens, est bien ce qui fait sans cesse défaut et, partant, « structure » l’existence : cette nature comme ce sens ne sont jamais donnés ab initio (c’est en ce sens-là qu’il est écrit qu’il n’y a jamais eu de rêve américain, au sens où il serait disponible, à loisir), cette nature comme ce sens sont au contraire sans cesse en train de se faire, toujours en devenir, la carte se dévoilant à la seule condition que Daniel la déplie, raison pour laquelle il y a nécessité du voyage, d’aller pour lui. Une naturalité donc singulière, toujours révisable, précaire qui, au fond, ne peut jamais faire autrement que se trahir en se réalisant, comme vous le dites, ce qu’indiquait le commentaire du film : PTA défilmant ce qu’il filme, un rêve en train de se faire se défaisant, s’accomplissant se déréalisant, parce que, pour paraphraser Pessoa (encore et toujours), tout effort est un crime, toute action est un rêve mort (« paralysé », écrit Pessoa), même si, et ce « même si » est précieux, chacun comme Daniel se trouve face à la nécessité d’accomplir malgré tout cet effort, cette gestuelle, car, précisément, rien n’est disponible.
Et puisqu’il faut donc bien continuer de rêver, simplement pour le beau geste, peut-être faudrait-il (ne jamais en) terminer avec la poésie, celle de Jaccottet par exemple : « Il faut prendre acte du désastre sans nom réservé à la volonté orgueilleuse, à ceux qui prétendent saisir et conserver la vérité entre leurs mains, donner un nom à ce qui sera toujours « insaisissable », dépasser la région des apparences pour pénétrer dans le royaume des essences inaltérables. Et s’il faut s’acharner à dénoncer cette erreur, on comprend bien que ce n’est pas sans avoir admiré, et peut-être parfois partagé la témérité. Mais pour rester véridique, il faut reconnaître que toute forme de lumière, d’intelligence avec le monde, n’est pas donnée à qui la cherche. La hauteur ne peut pas être un séjour permanent, l’ombre ne cesse de gagner sur nos pas. Ce qui reste, toujours, est presque rien. Mais il faut ajouter aussitôt que c’est une petite porte par laquelle il faut passer, au-delà de laquelle rien ne prouve que le sens soit aussi interdit qu’on l’a pensé. Car si le « vrai lieu » est inaccessible, la faute inverse serait de s’obstiner à séjourner dans cette obscurité, de s’y enfoncer désespérément, comme le ferait un maître déchu. A partir de rien, telle doit être la loi : si on y trouve l’aveu d’une origine obligée/oubliée – le rien – mais aussi le signe d’un départ, porteur, peut-être du risque de son propre déclin si l’on ne sait s’accomplir dans l’acte du passage, c’est-à-dire dans le règne des apparences transitoires, afin de laisser à l’insaisissable sa part. »
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- Des Nouvelles du Front cinématographique, « Inherent Vice de Paul Thomas Anderson : La Raison en Fumée », Le Rayon Vert, 24 novembre 2018.