Ce cycle de textes consacré à Terrence Malick a pour but d'arracher le cinéaste des clichés auxquels une grande partie de la critique le réduit : mauvais lecteur de Rousseau, nostalgique d'un Éden fantasmé, etc. Il célèbre plutôt la lumière jetée sur notre monde depuis que la vie s'y est installée et le temps s'est écoulé, cette lumière qui irrigue tous ses films où les personnages errent dans les interstices du monde en célébrant l'incarnation de l'amour tout en ressentant la fatalité de l'éphémère et du temps qui passe : telle est la poétique phénoménologique du désœuvrement chez Terrence Malick. Et la phénoménologie, on le sait, est une affaire de lumière et d'incarnation qui révèle le visible et l'invisible à celui qui le reçoit dans sa relation avec un objet. C'est pourquoi Terrence Malick filme comme personne la présence. Sa caméra flottante capte même quelque chose d'irréaliste. Elle saisit toujours quelque chose d'invisible qui est très difficile à traduire par des mots : une éclosion du fameux supplément d'âme qui accompagne la matière et le temps.