Faire du cinéma comme on saute le mur, comme on franchit des barrières, comme on transgresse les frontières : le funambule au-dessus des abîmes de la Pologne stalinienne puis de l'exil est un réfractaire électrique, un sorcier fébrile qui projette dans ses films les élans contraires et contrariés, l'indiscipline à l'épreuve répétée de l'immaturité, tous les cris d'une intraitable vitalité.
« Le cinéma selon Jerzy Skolimowski tient de l'étonnement, comme un tonnerre d'époumonement. Ses films sont souvent la conséquence d'un exil, artistique et politique. Il y a chez lui une propension avérée pour les espaces confinés, wagon allégorique de Haut les mains (1967), voiture fétichisée du Départ (1967), piscine publique de Deep End (1970), hôpital psychiatrique et ferme isolée de The Shout, appartement à rénover par les ouvriers émigrés de Travail au noir (1982), pensionnat de Thirty Door Key. Et le confinement des espaces débouche souvent sur des effets de fermentation et de saturation, par repli sur soi jusqu'à la folie ou par insubordination nihiliste, par excitation et énervement jusqu'à épuisement des désirs, par mise à l'écart et marginalisation jusqu'à la perte de soi, agitation entropique ou, au contraire, désœuvrement désiré. Comme si, chez Jerzy Skolimowski, l'isolement contraint ou assumé induisait par promiscuité le renforcement mutuel des solitudes, des incompréhensions et des confrontations. », Saad Chakali et Alexia Roux