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David Lynch

Analyse du cinéma de David Lynch à travers ses motifs récurrents, ses thématiques et sa spiritualité, où tout se croise et résonne ensemble, avec Twin Peaks en son cœur. Tous les chemins mènent-ils à Twin Peaks ? Tout semble en tout cas y mener comme y partir, à la fois les films précédant la série (à l'instar de The Return, en 2017) et ceux qui semblent, dès 1997 avec Lost Highway, prolonger les effets de la Black Lodge.

Jack Nance dans Eraserhead de David Lynch
Esthétique

« Eraserhead » de David Lynch : Par tous les trous

6 mars 2025
Bouches, oreilles, fêlures, terrier, crane ouvert : Eraserhead est traversé par des trous, où semblent converger toutes les obsessions de David Lynch. Hanté par le cerveau-effaceur du titre, Henry Spencer doit traverser ses cauchemars et ses monstres. Afin de se sauver de l’oubli, son corps va devoir apprendre à apprivoiser les trous du monde.
Nicolas Cage et Laura Dern s'embrassent dans Sailor et Lula de David Lynch.
La Chambre Verte

« Sailor et Lula » de David Lynch : Les forces du désir

6 mars 2025
L’art de l’acteur est employé dans Sailor et Lula de façon à donner une certaine idée du désir. Là, le désir-souffrance produit par une insigne perversité, ici, le désir-bonheur qu’inspire l’amour le plus simple ; l’un et l’autre se reflètent intensément ou monstrueusement dans le corps des comédiens.
Betty et Rita dans le rêve de Diane, dans "Mulholland Drive"
Rayon vert

« Mulholland Drive » de David Lynch : Un rêve peut en cacher un autre

6 mars 2025
Malgré les apparences, Mulholland Drive est peut-être le film le plus explicatif et rationnel de David Lynch, par-delà sa lecture onirique. Néanmoins, l'auteur y a laissé quelques éléments hétérogènes et fluctuants qui permettent encore d'entretenir le mystère et le potentiel hypnotique du film. Parmi ceux-ci, il y a le clochard du Winkie's, démiurge maléfique ou incarnation du destin, qui continue d'intriguer. Par sa construction en poupée russe et ses rêves enchâssés, le film ne cesse de faire cogiter son spectateur et de le faire participer à ses énigmes ludiques, disséminées par un Lynch plus joueur que jamais.
David Lynch au travail dans David Lynch : The Art Life
Rayon vert

« David Lynch : The Art Life » : Le marin et la sirène

6 mars 2025
Au milieu des années 2010 et après l’expérience radicale d’INLAND EMPIRE, on croyait David Lynch perdu, son nom d’artiste figé en marque déposée des industries du luxe, de la méditation transcendantale et de la musique. Avec David Lynch : The Art Life, on le retrouve en toute simplicité comme il a toujours été, double : habitant (le monde matérialisé de ses fantasmes, celui que présente son atelier) et habité (par des visions surgies d’une enfance où le rêve américain pourtant figuré dans la gentillesse exemplaire de ses parents n’aura jamais cessé d’être retourné sur des envers effrayants). Deux fois habité, donc (comme corps actif et silencieux et comme voix relayant des récits et des visions en off ou au micro). Mais deux fois habitant également (notre monde au sein duquel il se sera constitué le sien propre et ses œuvres représenteraient autant d’accès permettant à n’importe qui d’y entrer). Accompagné de son dernier enfant, la petite Lula qui est sa sirène d’enfance, David Lynch s’y montre en vieux marin qui s’apprête alors à reprendre la mer en repartant du milieu, tout le cosmos et ses océans intersidéraux, tout l’univers qui enflera et s’embrasera à nouveau en recommençant notre sidération, une fois retrouvé l’accès au cœur de la forêt de Twin Peaks.
John Hurt sur le bateau dans Elephant Man de David Lynch
Rayon vert

« Elephant Man » de David Lynch : La déchirure dans l'ordre des choses

6 mars 2025
John Merrick est une déchirure qui parcourt le réel. Il a le pouvoir révélateur de s'infiltrer sous les apparences, et c'est de cette puissance augurale qu'Elephant Man se revendique sans concession aucune pour parler de ce qui fait l'humanité depuis l'époque victorienne comme ce qui fait société, depuis son capitalisme naissant, sa gloire impériale, qui parle encore de notre époque.
Le cri de Laura Palmer à la fin de Twin Peaks
Esthétique

« Laura Palmer » ou Twin Peaks au tribunal de la Sororité cinéphile

6 mars 2025
Avec Laura Palmer - Au pays des miroirs, Louise Van Brabant fait comparaître Twin Peaks devant le tribunal médiatique du jugement post-#MeToo qui consiste à revenir sur des œuvres en vérifiant qu'elles respectent bien la représentation de la femme et brisent les codes du male gaze. Plutôt qu'expérimenter, Louise Van Brabant préfère d'abord juger : on ne répétera jamais assez que cette forme d'esthétique fondée principalement sur le jugement réifie les œuvres quand elle prétend libérer des corps de l'emprise du regard masculin.
Une scène de "Inland Empire" de David Lynch
Rayon vert

« INLAND EMPIRE » de David Lynch : Le palais derrière le marché

7 juin 2023
Jumeau monstrueux de Mulholland Drive, INLAND EMPIRE est mieux qu'un club Silencio hyper-sélect pour fans lynchiens acharnés, purs et durs, vrais de vrai. S'il est un film-monstre en assumant que le dédale mène au cul-de-sac, c'est comme exercice radical de spectrographie au nom de cette « inquiétante étrangeté de l'ordinaire » évoquée par Stanley Cavell. L'aura hollywoodienne, ô combien dégradée, persiste seulement dans la reconnaissance réciproque des stars déchues et des femmes abaissées. Si Hollywood est une région impériale dans l'imaginaire mondial, pandémonium et gynécée, le rayonnement fossile rappelle aux étoiles qu'elles ne brillent qu'en ayant scellé avec leurs spectatrices une alliance de haute fidélité, elles qui les sauvent du discrédit en croyant à ce qui leur arrive parce cela leur arrive aussi. Cela qui est un trou pour des femmes dont la vie a mal tourné de part et d'autre de l'écran.
Richard Farnsworth au volant de son tracteur sur les routes dans Une histoire vraie
Rayon vert

« Une histoire vraie » de David Lynch : Le cow-boy à roulotte, une comète

2 janvier 2023
Une histoire vraie n'est pas un western crépusculaire de plus. Le film de David Lynch est d'après la fin – la fin du western, la fin du monde lui-même. Une histoire vraie est un autre film schizo mais subliminal, mal vu, incompris, ourlé d'une mélancolie extrême. Le divertissement familial produit par Disney a dans les plis de foudroyants secrets stellaires. C'est un film post-apocalyptique où le dernier homme du monde d'avant est un pachyderme autant qu'une étoile filante, le dinosaure cachant un dieu solaire piégé dans le corps d'un grabataire. Et, pour dernier désir, Alvin Straight, un cirque à lui tout seul, n'a plus qu'une ultime parade à donner, un dernier feu de joie à faire crépiter avant de remonter au ciel d'où il est tombé.
Kyle MacLachlan, Laura Dern et David Lynch près de la Black Lodge dans Twin Peaks
Rayon vert

« Twin Peaks » de David Lynch et Mark Frost : Les forces de la Black Lodge

29 juillet 2020
Dans la saison 3 de « Twin Peaks », David Lynch et Mark Frost font de la Black Lodge le poumon de leur univers. Comment s'effectue le passage entre les différents mondes ? Quel rôle joue dans la série la rose bleue et le motif de la rose en général ? Pourquoi Hollywood et Los Angeles n'apparaissent-ils pas ? Et qu'est-ce que Judy, sinon le nom de ce champ de forces exercé par la Black Lodge ? Autant de questions à partir desquelles nous allons nous aventurer dans l'opacité des mystères de « Twin Peaks ». Ce texte est construit en dyade avec cinq « Missing Pieces » écrites par Des Nouvelles du Front, tel le sol des loges, qui est tantôt noir zébré de blanc, tantôt blanc zébré de noir. La lecture des deux textes peut ainsi se faire chronologiquement ou en suivant les renvois vers les « Missing Pieces ».
Isabella Rossellini et Dennis Hopper dans Blue Velvet
Esthétique

« Blue Velvet » de David Lynch : Le bouche à oreille du sentimental et de l’obscène

25 mai 2020
Dans « Blue Velvet », lèvres et paupières s’apparentent à d'étranges et pénétrants lever et baisser de rideaux, en rouge et bleu, velours et épiderme, cosmétique et organique, toile de Francis Bacon et théâtre de la cruauté, nostalgie des années 1950 et pornographie des années 1980. Fétichiser une période comme celle de l’enfance de David Lynch, c’est pour toute une société la revêtir après coup du velours d’un rêve bleu comme la fleur de Novalis. Mais c’est une peau de lapin qui se retourne en épiderme chauffé et bleui sous les coups de la violence des patriarches et des maris. L’American Way of Life n’est un cliché remis en mouvement qu’avec le grouillement secret de sa vermine, dont les plis n’ont pas moins de sentimentalité que d’obscénité.