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David Cronenberg : Excroissances contemporaines

« Le cinéma de David Cronenberg a pour obsession les organes et la débandade de leur organisation. La débandade des organes, la Bérézina des organisations, la morbidité des organismes. La foire aux atrocités dans les liaisons voraces de l'organique et de l'inorganique, la bacchanale de l'endosomatique (ce qui est intérieur au corps, génétiquement) et de l'exosomatique (ce qui lui est extérieur, artificiellement). Une orgie machinique. Les organes (artificiels) prolifèrent, les organismes (physiologiques) sont infectés, les organisations (sociales) se délitent. La propension prothétique de l'être humain, ce vivant néoténique doublé d'un immature chronique, a des poussées tumorales qui compliquent les implications propres à son élan vital, des excès cancéreux qui saturent l'irrésolution d'une faculté technique en la livrant à son essentielle interrogation. Cette interrogation-là ne pouvait pas ne pas se déployer en cinéma, cette machine qui a participé à la transmutation industrielle de notre anthropologie, en renouvelant par altération amplifiée nos sensibilités. » écrivent avec finesse Saad Chakali et Alexia Roux. Si beaucoup de choses ont été écrites sur le cinéma de David Cronenberg, on aura jamais fini de l'explorer et d'attendre chaque nouveau film comme un événement. Il ne cesse de faire évoluer son cinéma comme les corps qu'il film : en expérimentant diverses formes d'excroissances et de virtualités.

Viggo Mortensen dans son bar dans A History of Violence
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« A History of Violence » de David Cronenberg : Le secret derrière la porte

21 septembre 2024
A History of Violence de David Cronenberg ne raconte pas simplement que la barbarie n'est jamais très loin. Elle est au plus proche. Elle fait mouche. Elle est en nous. Elle fait nous. La civilisation n'est que sa camisole de force, dont il fallait encore défaire toutes les coutures dans un film qui ébroue d'autant plus que sa facture est classique.
Jude Law et Jennifer Jason Leigh reliés par un Pod dans eXistenZ
Esthétique

« eXistenZ » de David Cronenberg : Virtualités sensorielles

20 septembre 2024
Aussi sensuel que cérébral, eXistenZ participe d’une véritable déconstruction des codes du cinéma de science-fiction classique. Pour le spectateur, l’entrée dans le monde d’eXistenZ est une expérience synesthésique totale. Les images chez David Cronenberg ont une odeur, un goût, une consistance. Le cinéma est un corps qu’il est désormais possible de ressentir. Il est la Nouvelle Chair.
Mia Wasikowska couchée sur une étoile d'Hollywood Boulevard dans Maps to the Stars de David Cronenberg
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« Maps to the Stars » de David Cronenberg : Ce qui s'écrit de l'inceste

20 septembre 2024
Depuis les années 2000, le traitement clinique propre au cinéma de David Cronenberg élargit sa sphère d'analyse. Il y raffine, par concentration du style et variation dans ses objets et ses récits, le caractère monstrueux de ses nouvelles excroissances. Il étire ainsi les spires de la toile propres à ses exercices de viralisation arachnéenne. Avec Maps to the Stars, il s'agit d'infiltrer et d'assimiler un sous-genre caractéristique de l'industrie hollywoodienne, à savoir sa propre satire. En adoptant une stratégie déflationniste, le choix du minimalisme s'amuse délibérément à friser la déception en jouant de déceptivité. La distance clinique qui engage à la soustraction comme à la neutralisation des clichés déplace les enjeux comiques de la satire du côté de la représentation à froid d'une familiarité inquiétante. La force d'insinuation de Maps to the Stars, réelle bien qu'en-deçà des longs-métrages précédents, ne saurait cependant se réduire à la seule justesse sociologique de son scénario, ainsi qu'à quelques-uns de ses accents grotesques. Le clinicien frôle le cybernéticien avant que l'insinuation des conventions ne fasse apparaître une écriture autre, psychotique et cryptique. L'inceste s'y révèle moins comme la vérité monstrueuse et criminelle de l'homogamie que comme un événement inassimilable dans un monde qui a anéanti la force transgressive de l'amour. Et aboli les poètes qui en écriraient les étoilements pour en chanter les astres scellés.
James Woods face à la télévision dans la célèbre scène de Vidéodrome de David Cronenberg
Rayon vert

« Vidéodrome » de David Cronenberg : La grande illusion

20 septembre 2024
Série d’hallucinations érotiques et gores, Videodrome visite les profondeurs de la psyché sous le régime de la consommation insatiable des images, où l’espace intime est peuplé par ces monstres méconnus : les écrans.
Seth métamorphosé à la fin de "La Mouche"
Esthétique

Le corps, ses organes, son dehors : Sur trois fins de David Cronenberg

7 juillet 2022
Le cinéma de David Cronenberg a pour propension les organes et la débandade de leur organisation. La débandade des organes, la Bérézina des organisations, la morbidité des organismes : une foire aux atrocités dans les rapports de voracité de l'organique et de l'inorganique. Les organes prolifèrent, les organismes sont excédés, les organisations se délitent. Il y a pourtant un rêve qui se dépose à la fin des plus grands films, Videodrome (1982), La Mouche (1986) et Le Festin nu (1991). Ceux-là accueillent, avec la mort des accidentés de la technique, ces camés de la prothèse, ces toxicos de la machine qui sont des paranos de ses machinations, la libération d'un autre corps : le corps sans organes. Quand le corps sans organe est la mort, la vie du cinéma compose avec la décomposition des organes.
Saul Tenser (Mortensen) entre sa compagne Caprice (Seydoux) et son admiratrice Timlin (Stewart) dans « Crimes of the Future »
Rayon vert

« Crimes of the Future » de David Cronenberg : Hybride évolution

24 mai 2022
Dans son nouveau film attendu comme le Messie, David Cronenberg parvient à la fois à combler des attentes et à se montrer déceptif. C'est en faisant se rencontrer deux pans de son cinéma qu'il le fait évoluer, en faisant d'un film hybride une nouvelle étape, un « troisième type » . Tout comme l'humanité accède à un stade supérieur d'évolution à la fin de Crimes of the Future, c'est par une démarche d'hybridation, par le composite, que le cinéma de Cronenberg continue d'évoluer.
Elias Koteas et Rosanna Arquette font l'amour dans Crash
Interview

« La Transgression selon David Cronenberg » : Interview de Fabien Demangeot

5 février 2021
Avec « La Transgression selon David Cronenberg », notre rédacteur Fabien Demangeot signe un essai synthétique et de vulgarisation autour de l’œuvre du cinéaste canadien. En analysant trois formes de transgression, il reconnecte surtout ses films à ses origines les moins nobles, des sous-genres du film d'horreur aux pratiques pornographiques les plus crues.
Eric Packer (Robert Pattinson) avec une arme à la main dans Cosmopolis
Esthétique

« Cosmopolis » de David Cronenberg : Indicibles métamorphoses

1 février 2021
Bien qu'il soit difficile de considérer Cosmopolis comme un film fantastique ou de science-fiction, sa structure semble pourtant bien totalement onirique. Son monde, avec son esthétique très lisse de photos de mode sur papier glacé, est aussi virtuel que les univers hallucinogènes d'eXistenZ et du Festin Nu. Il dénonce, malgré son cadre spatio-temporel strict (une journée de la vie d'Eric Packer) et ses personnages archétypaux (le golden-boy, la fiancée vaporeuse, le petit génie de l'informatique), une constante chez Cronenberg : l'idée même d'illusion réaliste.
Elias Koteas et Rosanna Arquette font l'amour dans Crash
Rayon vert

« Crash » de David Cronenberg : Au volant du monde

21 juillet 2020
Revenir au monde déserté par le désir, c'est vouloir tirer de la rengaine de la production industrielle du crash la ritournelle de l'accident originaire. Retrouver le sens de l'événement dans d’insensés cabossages et d’incessants télescopages. Circulez il n'y a rien à voir ni à désirer parce que plus rien n'arrive, c'est la rengaine postmoderne qui a mis Pornos à la place d'Éros. Avec « Crash » agencer les machines expérimentales du désir et en être les artistes sans œuvre répond au désir qui ne revient que par accident. Plus de statistique : une érotique machinique. Avec le sens naissanciel de l'accident, on peut alors machiner une vie nouvelle au milieu du champ d'épaves accumulées par les autoroutes de la modernité occidentée.
Les deux Jeremy Irons et Geneviève Bujold dans Faux-Semblants (Dead Ringers)
Le Majeur en crise

« Faux-Semblants » de David Cronenberg : Fusion incestueuse

29 juin 2020
Le tabou de l'inceste apparaît, de manière sous-jacente, dans de nombreux films de David Cronenberg. Dans « Faux-Semblants », il unit spécifiquement les membres d'une même fratrie et se présente même comme la possibilité de fusionner avec un autre soi-même. Par là, Cronenberg pose la question de l'identité sexuelle et de l'identité tout court. Sauf que cet idéal de fusion ne peut pas s'incarner.