Logo du Rayon Vert Revue de cinéma en ligne

Le cinéma belge en question

Depuis sa création en 2016, le Rayon Vert s'est positionné contre le cinéma belge francophone dominant. Non pas pour adopter une posture, mais pour théoriser une véritable opposition esthétique. Alors qu'une grande étude menée par Vers l'Avenir sous la plume de Michaël Degré a été dénigrée par une grande partie du secteur, il a toujours été pour nous essentiel de mettre sur la table la question esthétique qui est systématiquement évacuée du débat au nom de la relativité du goût, comme si le cinéma belge, francophone ou néerlandophone, était forcément bon et pouvait résister à l'analyse critique.

Amal (Lubna Azabal) devant sa classe, avant le drame
Critique

« Amal » de Jawad Rhalib : La tumeur, Gargamel et le Flamand magique

17 février 2024
Brandi par les institutions et les médias comme outil de propagande idéal pour asseoir un discours manichéen sur l'éducation, Amal de Jawad Rhalib emprunte une voie ouverte par des oeuvres telles que Noces ou Animals, mais semble pousser encore plus loin sa démarche volontariste et manipulatrice. En trouvant des stratagèmes d'écriture pour se dédouaner et échapper à des accusations de poujadisme, le film entretient sa médiocrité par l'entremise de ses acteurs en roue libre, de personnages aussi involontairement comiques qu'un méchant de dessin animé grand-guignolesque ou encore un "Flamand magique". Le film parvient tout de même à se tirer une balle dans le pied en comparant l'extrémisme religieux à une tumeur, ne comprenant pas qu'il est lui-même une dégénérescence de la tumeur du cinéma belge francophone, ce cinéma à sujet édifiant.
Daniel Auteuil entouré des médias dans Un Silence
Critique

« Un Silence » de Joachim Lafosse : La mort du loup

11 janvier 2024
Un Silence est le combo, le best-of du pire de Joachim Lafosse : celle d'une grande pathologie et d'un grand pervers narcissique qui, ici, renverse toute la salière dans la soupière. Retour en dyade sur le film.
Agnès Jaoui et Jonathan Zaccaï marchent dans la rue dans Le Cours de la vie
Critique

« Le Cours de la vie » de Frédéric Sojcher : Plus belle la vie

30 mai 2023
Le Cours de la vie méritait bien un dyade. Si le film est traversé par au moins trois trajectoires et permet au fantôme de Jean-Pierre Bacri de venir hanter l'amphithéâtre où Agnès Jaoui donne son cours de scénario, le film se révèle dans l'ensemble médiocre en réchauffant le pire d'un romantisme téléfilmesque à la Lelouch. Après l'affaire Sojcher qui secoua le petit entre-soi du cinéma belge, il est difficile de trouver dans Le Cours de la vie une contre-proposition au cinéma institutionnalisé que nous avons aussi vivement critiqué. Ce scénario méritait-il une aide du Centre du Cinéma de la Fédération Wallonie-Bruxelles ? Rien n'est moins sûr.
Mathieu (Jérémie Renier) et sa femme (Suzanne Clément) au bord du lac dans la forêt dans Ailleurs si j'y suis.
Critique

« Ailleurs si j'y suis » de François Pirot : L'appel de la morosité

28 mars 2023
Dans Ailleurs si j'y suis, Mathieu, Catherine et Stéphane sont loin d'être des rois de l'évasion. D'une manière cynique et paradoxale, le film reste largement traversé par le contrôle et martèle qu'il est impossible pour eux de changer de vie et de monde : la forêt, filmée à la fois de manière bucolico-exotique et anxiogène, ne leur offre pas un ailleurs mais débouche sur un retour à la morosité de leur quotidien.
Dalva enlevant son rouge à lèvre de femme dans le film Dalva
Critique

« Dalva » d'Emmanuelle Nicot : Relooking réussi

14 mars 2023
Dalva s'en tire sans les honneurs dans le genre codifié du récit psychologique d'émancipation dont l'évolution n'est pas encore pour demain. C'est l'histoire d'un relooking réussi qui manque de profondeur même s'il faut bien sûr laisser du temps au temps. Avant d'être, dans sa deuxième partie, le récit du retour d'une enfant vers les dernières lueurs d'une enfance manquée parce que gâchée, le film d'Emmanuelle Nicot accumule tellement de tares qu'il faut répéter à nouveau ce qui ne va pas dans le formatage de ce cinéma qui recourt systématiquement aux mêmes clichés et répond de plus en plus à l'appel de l'humiliation.
Léo (Eden Dambrine) avec sa famille dans leur champ de fleurs dans Close
Critique

« Close » de Lukas Dhont : Des larmes, du signifiant et pipi au lit

4 novembre 2022
Semblant découvrir ou inventer le mélodrame, Lukas Dhont se livre avec son second long métrage à un grand exercice d'exorcisme par les larmes et d'allégorisation constante, au gré de scènes et de plans pétris de sens. Échappant de peu au label "film d'humiliation à la belge", lequel compte maintenant quelques fleurons du genre, Close soulève tout de même à sa vision une question légitime : comment un film aussi lourd et naïf a-t-il pu remporter un Grand prix au Festival de Cannes ?
Tori et Lokita face au Cuistot
Critique

« Tori et Lokita » de Jean-Pierre et Luc Dardenne : Mécanique de l’écrasement

11 juillet 2022
Avec Tori et Lokita, les frères Dardenne s'essaient au film coup-de-poing et plongent leur personnage principal, la pauvre Lokita, dans un tourbillon d'humiliations en tous genres dont le spectacle mécanique et métronomique ne peut conduire qu'à l'écrasement pur et simple de ce personnage sacrificiel. Si une piste est envisagée vers un salut possible, vers une dignité retrouvée, par l'intermédiaire de l'enfant sorcier Tori, la volonté unilatérale des Dardenne de faire de Lokita un "exemple" ne permet pas à cette piste-là de dépasser l'esquisse, et la porte entrouverte est bien vite refermée.
Alice (Ludivine Sagnier) voit Lou à son école dans La Ruche
Critique

« La Ruche » de Christophe Hermans : Le pesticide des clichés

5 juin 2022
C'est le devoir de la critique de mener encore certains combats, et un des nôtres consiste à riposter contre le formatage du cinéma d'auteur belge francophone et international fondu dans un moule psychologico-réaliste. La Ruche de Christophe Hermans en constitue un énième exemple déprimant : on en peut plus de voir ces corps à la dérive s'égratigner entre eux et rechercher une fausse grâce sur le son d'une danse exaltée. Cinéma de l'étouffement où les clichés et les dialogues lourdingues agissent comme un pesticide.
L'affiche des Magritte du Cinéma
Chronique

Les Magritte du Cinéma 2022 : Faux raccords

13 février 2022
Crise sanitaire oblige, la onzième cérémonie des Magritte du Cinéma avait pour nouveauté un dispositif alternant une scène avec ses gradins et ses coulisses. Au programme : des faux raccords hilarants, un timing bien trop strict, des textes qui tombent à plat et des séquences tire-larmes dignes d'un télé-crochet. Mais que pouvions-nous attendre d'autre de la télévision dans un pareil contexte, même adapté ?
Jan Bucquoy (Wim Willaert) et sa fille (Alice Dutoit) dans La Dernière tentation des Belges
Esthétique

« La Dernière tentation des Belges » : Film-résurrection de Jan Bucquoy

10 février 2022
Auteur depuis plus de trente ans de films « anarchistes » et « anarchiques », dans lesquels se côtoient des références à gogo (Debord, Godard, …), goût de la provocation et zones floues entre réalité et fiction, Jan Bucquoy ressuscite son cinéma après plus de douze ans d’absence, et ressuscite également par la fiction sa fille Marie, avec laquelle son double fictionnel tient un dialogue dans La Dernière tentation des Belges. Il prolonge ainsi un geste qu’il avait esquissé dans un autre film il y a déjà vingt-deux ans. Livrant ici son film le moins « provoc » et le plus sentimental, Jan Bucquoy accompli son rêve de fondre en un bloc sa vie et son art.
Nora (Maya Vanderbeque) en cours dans son école dans Un monde
Critique

« Un monde » de Laura Wandel : L'asphyxie en partage

18 octobre 2021
Si Un Monde peut par moments faire illusion, notamment lorsqu'il convoque le spectre d'Ana Torrent de L'Esprit de la ruche, il n'est au final qu'un film coup de poing de plus reposant sur un dispositif soi-disant ingénieux mais au fond éculé, et une fin qui a pour seul but d'envoyer une bonne claque au spectateur. Il est vraiment dommage qu'une jeune cinéaste annoncée comme prometteuse réalise un premier film comme celui-là dont une seule vision suffit déjà péniblement à faire le tour.
Leïla (Leïla Bekhti) et Damien (Damien Bonnard) assis dos à dos dans l'atelier dans Les Intranquilles
Critique

« Les Intranquilles » de Joachim Lafosse : L'art de ne pas avoir honte

30 septembre 2021
S’il donne l’impression, dans la première partie du film, de vouloir tout faire pour se « contenir », contourner ses vieux tics et ses vieux démons pour présenter un film « vierge » à un regard tout aussi « vierge », oublieux de tout le passif du réalisateur, Joachim Lafosse ne peut s’empêcher de retrouver sa vraie nature une fois l’illusion dissolue. Les Intranquilles développe alors toute une théorie de l’acceptation de soi en tant que cinéaste-roi, avec toutes ses tares et surtout sans honte : rien ne viendra jamais fondamentalement modifier la physionomie de ce cinéma autosatisfait et étranger à toute forme de remise en question. Mais il faut lui pardonner : il est comme ça, il ne changera pas.
Une salle de cinéma
Histoires de spectateurs

Sociologie et économie du cinéma belge et de la cinéphilie en Belgique

20 janvier 2021
Dans cette étude à la fois sociologique et économique, nous nous intéressons dans un premier temps à la place qu'occupe la cinéphilie (au sens parisien du terme) en Belgique et au nombre d'entrées que réalisent les films d'auteur. Sur base des données récoltées, nous verrons que cette pratique semble bien marginale et que même certains des plus grands réalisateurs ne rencontrent pas leur public en Belgique. Ensuite, nous chercherons à savoir si le cinéma belge francophone trouve grâce aux yeux de ce type de cinéphilie mais aussi d'un point de vue global. Si certaines réponses sont déjà bien connues (échecs publics, etc.), nous en profiterons pour décortiquer, chiffres en mains, la communication qui accompagne aujourd'hui la production et la circulation du cinéma belge francophone.
Sara Forestier et son mari violent dans Filles de joie
Critique

« Filles de joie » de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich : Steak haché Power !

7 mars 2020
Sur les plateaux TV et dans la presse, « Filles de joie » de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich a été présenté comme un film de super-héroïnes. Or, les trois prostituées optent pour le revenge porn et sont plutôt animées par le ressentiment, la suspicion et la vengeance la plus bête qui soit : à la justice, elles opposent leur volonté de se débarrasser elles-mêmes des hommes. Dans ce contexte, la fiction héroïque ne fonctionne pas. Elle est d'autant plus inopérante que le réalisme creux du film limite sans surprises le pouvoir réel qu'auraient pu avoir ces femmes, qui échappent très difficilement, et de manière tout à fait malheureuse, à leur condition fataliste de « steak haché » (comme le dit Sarah Forestier). C'est peut-être au fond la seule chose que ce type de cinéma dénonciateur peut nous dire.
Les beuveries dans les films de Hong Sang-soo
Critique

Bar digital n°2 : Gueule de bois ?

10 février 2020
Accoudés au bar digital, avec tout le panache et les emportements qui vont avec, nous revenons, en ce mois de février 2020, sur la dixième cérémonie des Magritte du cinéma belge, un bilan cinéma du journal « Le Soir », « Werk ohne Autor » de Florian Henckel von Donnersmarck sacré par l'UCC et le dernier « Star Wars ».
Mya Bollaers dans Lola vers la mer
Critique

« Lola vers la mer » de Laurent Micheli : Si par une nuit d'orage...

13 décembre 2019
Avec "Lola vers la mer", Laurent Micheli dépeint le monde en couleurs de Lola malheureusement entravé par une lourdeur psychologique tant narrative (le père antagoniste) qu'esthétique (les clichés du cinéma psychologique).
Ahmed lutte avec les responsables du centre dans Le Jeune Ahmed
Critique

« Le Jeune Ahmed » de Jean-Pierre et Luc Dardenne : La Chute et le Bourbier

24 mai 2019
Avec « Le Jeune Ahmed », les frères Dardenne signent une fable morale étouffante et problématique du point de vue de la représentation de l'Islam et de l'origine du radicalisme.
Virginie Efira et Kacey Mottet Klein dans Continuer de Lafosse
BRIFF

« Continuer » de Joachim Lafosse : C'était un beau Cheval Blanc...

25 janvier 2019
« Continuer » n'apporte pas le bol d'air frais dont le cinéma de Joachim Lafosse avait tant besoin. Ce n'est qu'un triste film psychologique de plus, manipulateur et bourré de clichés, dans la filmographie d'un metteur en scène indécrottable que rien ne semble pouvoir arracher à sa posture de "petit instituteur".
Victor Polster dans Gir de lLukas Dhont
BRIFF

« Girl » de Lukas Dhont : La Preuve par l'Exemple à (ne pas) suivre

15 octobre 2018
Plombé par la malhonnêteté et le voyeurisme « inconscient » de la mise en scène de Lukas Dhont, « Girl » n'est qu'un énième film à sujet se servant du devenir-femme de son héroïne comme port-étendard.
Nicolas Cage dans Anticipation
Interview

Écriture et Appauvrissement : Le projet Rayon Vert, le cinéma belge et les vlogs

21 septembre 2018
Pris au jeu de l’interview, le noyau dur du Rayon Vert s'attable au bar digital pour discuter des films belges, de l'écriture sur le cinéma, des vlogs et de l’appauvrissement entraîné par la communication 2.0.