I don't belong anywhere est le titre du documentaire qu'a réalisé Marianne Lambert en 2015 sur Chantal Akerman. Mais cette dernière appartient-elle vraiment « à nulle part » ? Est-elle véritablement une cinéaste nomade ? Oui, si on retrace l'itinéraire de sa filmographie qui n'a jamais cessé d'arpenter le monde pour porter un regard sur les lieux où règnent encore la division et les aliénations. Non, car Chantal Akerman n'a pas toujours été en exil même si, effectivement, elle n'a peut-être jamais trouvé sa propre maison. Car en effet, dans les nuits solitaires de ses films, il reste aujourd'hui des chambres. C'est le lieu où s'est accompli pour elle ce qu'il y a de plus important : l'amour (Je, tu, il, elle, entre autres), les rencontres et, surtout, à la fin de sa vie, il y a ces images de Natalia, sa mère, dans No Home Movie. Il y a donc la nuit du dehors et le bouillonnement affectif des chambres qui offrent malgré tout un refuge, ou du moins un lieu où se joue toujours quelque chose (on pense aussi à Jeanne Dielman, bien évidemment).
Ce cycle de textes, appelé à évoluer constamment, entend restituer ce double mouvement d'exil et de recherche de refuge(s), tout en brisant certains clichés qui entourent le cinéma de Chantal Akerman. Une fois redécouverts, sa grandeur et son génie (désolé pour le gros mot) brillent de mille feux : il apparaît évident que Chantal Akerman transformait tout ce qu'elle touchait en or, peu importe le genre et la nature du film (documentaire, comédie, portrait, installation, art vidéo...). Peu de cinéastes peuvent revendiquer une telle hétérogénéité.
(Guillaume Richard)