La critique dresse volontiers, le plus souvent, le portrait du cinéaste Adellatif Kechiche en sociologue, du moins lui reconnaît-elle cette qualité essentielle quand elle l’attaquera à disproportion sur d’autres fronts, comme sur son apparent voyeurisme. Un cinéma qui, au mieux, donc, s’intéresserait, de près comme de loin, à la question des rapports de classe comme de caste (du genre, de l’ethnie parfois), toujours sous forme de lutte, qui ferait du cinéaste, pour ce que cette critique considère de meilleur dans son œuvre, le héraut d’un genre cinématographique, le « banlieue-film ». Un portrait qui manquerait d’apercevoir, toutefois, combien cette lutte des classes s’apparente davantage à une lutte des places, chacun se faisant son film chez Abdellatif Kechiche en proposant un contre-récit au récit qui lui est imposé par la naissance, la position économico-socialo-culturelle, par l’ethnie, l’âge, le genre encore, de sorte que chacun ne soit pas uniquement le produit d’une prédestination qui serait à l’œuvre dans son existence, le simple artefact de forces extérieures, ce à quoi la critique réduirait trop souvent le cinéma d’Abdellatif Kechiche mais, plus subtilement, le lieu où des forces intérieures chercheraient autant à s’exprimer, tous devenant le lieu d’une exploration, le territoire d’un rapport sensible au monde comme de la manière d’y être. Un cinéma qui poserait une question essentielle : comment figurer au monde lorsque tout va à contre-pente, fomente contre soi ?