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Toutes les publications

Mikey Madison danse en boîte de nuit dans Anora
Critique

« Anora » de Sean Baker : Politique de l'ordre moral

16 novembre 2024
Vendu comme Ouf par ses producteurs, un film à aller en voir en couple, Anora est un film d'auteur moralisateur. Il ne tendait pas à juger son personnage. Il termine sa course furieuse épuisé, dans un paternalisme gaucho-prédicateur. Ou comment depuis l'anti-chambre du rêve américain, Sean Baker, sermonneur, le reconduit dans ses effets, dans un apologue édifiant.
Paul Mescal et Pedro Pascal s'affrontent dans le Colisée dans Gladiator II
Critique

« Gladiator II » de Ridley Scott : Malheur au vainqueur

15 novembre 2024
Un spectre hante le cinéma hollywoodien contemporain : le spectre de l’empire romain. On dira que l’affaire est connue, en remontant pour le cinéma jusqu’au péplum italien et ses acclimatations étasuniennes. La Rome antique offre pourtant, outre sa ressource fantasmatique pour toutes les époques en quête de légitimation culturelle, de la Renaissance florentine au fascisme italien, l’image de vérité d’un cinéma dont l’industrie voudrait redorer le blason terni de l’empire au titre de l’oriflamme recouvrant l’autre spectre de sa finitude. Aujourd’hui, les films qui s’en réclament, parfois ostensiblement comme c’est le cas de Gladiator II de Ridley Scott, font spectacle des nécessités de sauver le soldat impérial parce qu'il resterait après tout le meilleur pèlerin de l'universel. Et ce film-là a paradoxalement besoin de deux Noirs d'Algérie à évacuer, l'un par défaut et l'autre par excès, pour éclaircir plus nettement son idée : mieux que la république trahie par ses défenseurs pervers, l'empire demeure malgré tout le terrain d'intégration universelle par excellence, de toutes les différences et de toutes les minorités, dès lors que sa souveraineté revienne de plein droit à son légataire, le petit-fils caché de Marc-Aurèle. 
Lucie Debay dans "Le Garage inventé" de Claude Schmitz
La Chambre Verte

« Le Garage inventé » de Claude Schmitz : L'enfer du théâtre

8 novembre 2024
Dans sa démarche de créer une œuvre continue, en constante évolution, Claude Schmitz se pique de donner une suite officielle au double opus déjà constitué par Un Royaume et Lucie perd son cheval. Il y prolonge la réflexion "méta" sur la condition de comédien, mais en la complexifiant encore par une dimension presque chamanique. Le Garage inventé qui restaure la mécanique et les rêves est en outre la plus ambiguë de ses créations, faisant étrangement cohabiter cette volonté récurrente de "poursuivre le geste" et celle d'enfermer ses œuvres, ses acteurs et ses personnages, dans un écrin protégé, à l'abri des dérives extérieures.
Agnès Jaoui dans Ma vie ma gueule de Sophie Fillières
Rayon vert

« Ma vie Ma gueule » de Sophie Fillières : Je doute donc suis-je ?

8 novembre 2024
Ma vie Ma gueule sera le dernier film de Sophie Fillières. Son destin tragique admoneste-t-il la réception du film ? Ma vie Ma gueule n'est pas un film posthume, mais un film vivant, du vivant. Il me résout, tout doucement, les grandes questions, en m'en débarrassant. Le sens de la vie, c'est le sens qu'on lui imprime, « moitié dans mes godasses, moitié à côté », dans l'espoir qu'on me dise, peut-être, un jour : « merci d'avoir tenté, merci d'avoir vécu ! »
Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne au musée dans Chronique d’une liaison passagère
Rayon vert

« Chronique d’une liaison passagère » d'Emmanuel Mouret : "La passion, c’est beaucoup d’air brassé pour du vide"

3 novembre 2024
Au fil de son œuvre, Emmanuel Mouret a semé les bases d’une nouvelle manière de représenter l’amour au cinéma. S’opposant aux cadres narratifs de la passion, c’est au contraire une vision refroidie des sentiments qu’il propose. Chronique d’une liaison passagère, en adoptant un dispositif narratif extrêmement restreint, radicalise cette perspective comme pour mieux démontrer l’intérêt de ne pas céder à ce que sont devenus des automatismes dans la représentation des corps amoureux, en revalorisant la pensée des sentiments contre les actes passionnés.
Nicholas Hoult et Toni Collette discutent sur un banc dans Juré n°2 de Clint Eastwood
Rayon vert

« Juré n°2 » de Clint Eastwood : Minuit moins une dans le jardin du bien et du mal

2 novembre 2024
Juré n°2 est un petit film de pas grand-chose qui n’aurait peut-être pas mérité autant d’égard s’il n’avait pas été signé par Clint Eastwood. À l’aune de l’œuvre qu’il parachève, il marque toutefois la nouvelle étape du destin du héros eastwoodien qui peut à bon droit s’apparenter à la dernière. Juré n°2 est impitoyable et son héros, Justin Kemp, un être impardonnable. Le héros qui nous paraît si proche s’est éloigné de nous au point limite où, loin de reconnaître à distance le respect de son héroïsme avant que sa révérence ne soit tirée, sa disparition est consommée. Le héros rappelle ainsi à l’exception qui fait son destin qu’elle coïncide désormais dans la préférence obscène des conforts et des intérêts. Son devenir quelconque touche à l’os de la liquidation des morales supérieures. Hier, le héros eastwoodien nous demandait de le comprendre, et même de l’aimer ; aujourd’hui, il n’est qu’un salaud désarmant de sincérité.
Le corps de Demi Moore dont le dos est recousu dans The Substance
Critique

« The Substance » de Coralie Fargeat : Chaosmétique

1 novembre 2024
The Substance : la substance, c'est le film et la publicité qu'il en fait. La substance, c'est la publicité dont le cinéma est devenu par inversion une prothèse de relais. À l'empire du spectacle, une junkie répond par le pire de l'intoxication volontaire. Si la modernité est un plongeon dans le monstrueux, son stade terminal vérifierait cependant qu'au fondement de toute exhibition, un freak attend avant d'entrer en scène. Et le freak est une femme dont les hommes sont les docteurs Frankenstein. Alors, l'obscénité du spectacle sera avérée, ses origines foraines déballées. La surexposition conduit à son exhibitionnisme décomposé. On ne bande les muscles dans les shows d'aérobic qu'à préparer la grande débandade des organes.
François Civil et Adèle Exarchopoulos s'embrassent sur la plage dans L'Amour ouf
Critique

« L’Amour ouf » de Gilles Lellouche : MTVie

24 octobre 2024
L’Amour ouf transpire le cool, dégouline de ce que certains nomment des « envies de cinéma », qui sont surtout des envies de montrer que du cinéma, on sait faire. Le film de Gilles Lellouche est une longue fresque pseudo-tragique qui délaisse le romanesque pour le tapage du clip TV. C'est un film adolescent, dont la forme démonstrative étouffe l’émotion qui affleure dans les rares moments de naïve sincérité.
Le chat et la grande statue de chat au début de Flow, le chat qui n'avait plus peur de l'eau
Rayon vert

« Flow » de Gints Zilbalodis : Un abandon

23 octobre 2024
Flow s'impose comme un film d'animaux perdus mais d'abord perdus sans les hommes. C'est cette subtilité, traduite par un sentiment d'abandon, qui le rend émouvant, et plus précisément par l'humanité dont les animaux conservent la trace et le reflet. A contrario, Flow intéresse moins lorsque les animaux commencent à se comporter comme des humains : le réalisme que le film avait su recréer perd en partie sa force.
DJ Mehdi aux platines dans la série Arte DJ Mehdi : Made in France
Esthétique

« DJ Mehdi : Made in France » de Thibaut de Mongeville : Ni barreaux, ni barrières, ni frontières ?

23 octobre 2024
Primé à Cannesséries sur la Croisette au printemps 2024, la série documentaire en six épisodes d'Arte consacrée au célèbre DJ Mehdi, à l'instant de rendre les derniers hommages à son génie comme à celui qui aurait su réconcilier les mondes (le rap, l'électro, la French touch), enterre en grande pompe la banlieue comme tous ceux qui s'y agitent au son du rap. Une manœuvre en sous-main sous forme de rengaine trop souvent reprise en chœur par certains banlieues-films récents, que la série, par-devers elle, orchestre une énième fois.
Rabah Ameur-Zaïmeche en révolutionnaire dans Les Chants de Mandrin
Interview

Interview de Rabah Ameur-Zaïmeche : « Pour un cinéma de l'attention »

14 octobre 2024
Dans ce grand entretien avec Rabah Ameur-Zaïmeche, nous revenons sur son rapport à la banlieue, au réel, sur sa méthode de travail, ses influences et ce qui se trouve au fondement de sa pensée. C'est un cinéaste de l'attention qui se dessine tout au long de l'entretien. Non seulement face à ce qui se produit devant sa caméra, mais aussi devant le monde et les autres, et surtout au service d'idées qui lui permettent de concevoir chaque film comme un refuge.
Aurore Clément dans Toute une nuit de Chantal Akerman
Rayon vert

« Toute une nuit » de Chantal Akerman : Symphonie cinétique

14 octobre 2024
Dans Toute une nuit, la nuit n’est pas qu’une simple toile de fond, elle est une matrice de laquelle surgissent les gestes mélodramatiques des anonymes. Ces gestes sont le centre de gravité du film, tandis que les personnages sans nom et les mini-récits discontinus ne sont que des instruments qui permettent à Chantal Akerman de réaliser le mouvement.
La mère de Chantal Akerman dans sa maison à Bruxelles dans No Home Movie
Rayon vert

« No Home Movie » de Chantal Akerman : Si loin, si proche

14 octobre 2024
No Home Movie, le dernier film de Chantal Akerman, est traversé par un mouvement qui oscille entre les forces contraires de l’éloignement et du rapprochement. Car la distance semble être au cœur de bien des images, une distance à entendre d’un point de vue spatial, corporel comme émotionnel. Une distance sans cesse à reconfigurer pour arriver à être connectées l’une avec l’autre et pour enfin libérer les mots qui sont les plus difficiles à sortir, ceux du cœur.
Chantal Akerman dans sa chambre dans Je, tu, il, elle
Rayon vert

« Je, tu, il, elle » de Chantal Akerman : L'autre sans quoi

14 octobre 2024
La mise à nu est une franchise quand le franchissement des seuils du visible a ainsi valeur d'affranchissement. Avec Je, tu, il, elle, Chantal Akerman âgée de 24 ans seulement se constitue à l'image en sujet qui s'expose moins comme une personne que comme personne. La subjectivation ouvre chez elle à l'impersonnelle. D'abord dire je pour suivre avec tu, ensuite passer par il pour finir avec elle : elle qui est l'autre, elle qui est moi, elle qu'il y a entre les autres et moi – un on peuplé d'elles. La frontalité s'y fait dénudement et le désœuvrement de tout narcissisme l'est de toute pornographie, souverainement. Parce qu'il y a de l'autre qui manque et dont le manque est une addiction avec ses compulsions. Parce que l'autre est tout autre, c'est le secret, et qu'il est toute autre, c'est le secret des secrets. L'autre ne sera donc pas un « il » dont la débandade est avérée, mais une « elle » dont les retrouvailles sont océaniques. La politique de la chambre à coucher est une tabula rasa, un désert repeuplé, avec ses ritournelles et son repos bien mérité. Shabbat n'advient qu'à seule fin de tout recommencer.
Pina Bausch sur scène dans Un jour Pina a demandé...
Rayon vert

« Un jour Pina a demandé... » de Chantal Akerman : L’esprit qui danse

14 octobre 2024
Un jour Pina a demandé... consiste à reprendre à la scène ce qui appartient au film : Chantal Akerman veut puiser dans le travail de Pina Bausch ce qu’il y a de cinématographique pour le faire passer de l’art de la danse à son art à elle, le cinéma.
La frontière mexicaine aux USA dans De l'autre côté
Esthétique

« De l'autre côté » de Chantal Akerman : Sur-réalisme

14 octobre 2024
Un lien existe-t-il entre De l’autre côté et la peinture de René Magritte ? Si c'est le cas, il faudrait alors qualifier certains films de Chantal Akerman de sur-réalistes, puisqu'elle cherche toujours à capter ce qui, dans l'image, s'y loge et la déborde, ce qui la hante et s'y dissémine. Chaque récit que livrent les mexicains face à la caméra rappelle à la vie un fantôme, en l’occurrence un être aimé qui a disparu depuis son passage par-delà la frontière. Le titre du film témoigne ainsi parfaitement de cette volonté de rendre présent l’absence, de faire revenir ceux qui sont passés « de l’autre côté ».
Sylvie Testud et Stanislas Merhar à l'arrière d'une voiture dans La Captive de Chantal Akerman
Rayon vert

« La Captive » de Chantal Akerman : La privation du regard

14 octobre 2024
Dans La Captive, le corps d’Ariane est l’objet d’une traque continue. Chantal Akerman entreprend ainsi de donner à voir ce qu’est un personnage qui disparaît, vivant écrasé par le poids du contrôle et des dispositifs de pouvoir qui pèsent sur lui.
Rayon vert

« Megalopolis » de Francis Ford Coppola : Antipolitique du démiurge

9 octobre 2024
Megalopolis est un film inclassable, hanté par des morts qui font la vie, qui contient un élixir de jouvence – le Megalon – une force créatrice à nulle autre pareille qui ferait les cités, le cinéma de demain comme il débarrasserait tous les pouvoirs de la logique de toute-puissance. Une énergie faite de la rêverie des songes comme de la réalité. Coppola y expose un art subtil d’asseoir la vigilance sur le laisser-aller, un mélange de conscience et d’inconscience, qui menace toujours de s’évaporer ; une sorte d’état plasma filmique, qui n’est ni complètement gazeux ni complètement solide ; une folie douce, un entre-deux, un flou pour apercevoir ce que le sommeil permet de voir (les rêveries), mais aussi les songes de l’homme libre – ceux de Coppola –, tout en étant capable de restituer avec la lucidité de celui qui est éveillé. Une révélation, mais qui ne passe pas seulement par le bien-être, mais le malaise, un peu comme si l’on était porté par la houle : ce moment où l’on s’en remet au monde, mais où, paradoxalement, on est enfin en soi-même pour nous apprendre, finalement, à devenir les créateurs de notre propre univers, en revenir à l'enfant.
Une scène de révolte dans Soundtrack to a Coup d’État de Johan Grimonprez
Interview

« Soundtrack to a Coup d’État » : Interview de Johan Grimonprez

7 octobre 2024
Soundtrack to a Coup d’État offre un éclairage saisissant sur les événements qui ont entouré l’indépendance du Congo en 1960. La mobilisation et la mise en dialogue d’une quantité impressionnante de documents d’archives – audiovisuels et textuels – permettent à Johan Grimonprez de renverser la perspective occidentale et de faire la lumière sur cette page noire de l’histoire de son pays.
Cosmos pendant son procès dans Le Procès du chien de Lætitia Dosch
Le Majeur en crise

« Le Procès du chien » de Lætitia Dosch : Dernières nouvelles de Cosmos

5 octobre 2024
Si le premier long-métrage de Lætitia Dosch est bruyant, c'est qu'il gueule et s'il pousse une gueulante, c'est qu'il en a gros sur le ventre. Ici, l'aboiement est partout, inter-spécifiquement. Un tribunal des hommes et des bêtes comme en rêvait Franz Kafka, sensible à l'appel des forêts comme chez Jack London. Le Procès du chien est un vrai film de bâtard et sa pelisse bigarrée est le manteau formidable d'un hommage à l'espèce compagne qui nous aura fait comme nous sommes, mais remué de rage quand notre bêtise ne fait pas droit à notre part sauvage. Le griffon Cosmos y aboie pourtant les nouvelles d'un nouveau « contrat naturel ».
Un visiteur récite une parole mystérieuse devant une statue dans Dahomey
Rayon vert

« Dahomey » de Mati Diop : Les statues meurent-elles aussi ?

2 octobre 2024
Mati Diop a toujours filmé des fantômes. À l'occasion de la « restitution » par la France de vingt-six statues au Bénin, elle décide, dans Dahomey, de les faire parler pour installer un contre-récit sur la colonisation, contre la mort d'un peuple, sa culture, son histoire, cette mort qui n'a jamais cessé de faire sentir sa poigne. Une politique des fantômes pour les rendre à la vie.
Oscar Isaac, Jessica Chastain et Albert Brooks sur les quais à la fin de A Most Violent Year
Le Majeur en crise

« A Most Violent Year » de J.C. Chandor : Le Far West n’est pas si loin

2 octobre 2024
A Most Violent Year porte un coup décisif à l’idéologie diffusée par la forme hollywoodienne dominante. À travers son personnage principal d’entrepreneur obsessionnel et d’une description méticuleuse des intérêts de classes, J.C. Chandor révèle la séduction perverse d’une esthétique absorbante qui a si souvent servi à nous rendre désirable des rapports au monde nauséabonds.
Apichatpong Weerasethakul à Bozar Brussels
Interview

Interview d'Apichatpong Weerasethakul : « Le cinéma est un fantôme qui vous possède et vous emmène dans son voyage »

27 septembre 2024
Dans ce grand entretien avec Apichatpong Weerasethakul, nous revenons avec lui sur sa première œuvre VR, A Conversation with the sun, mais aussi sur les fondements de son travail et ce qui l'anime aujourd'hui en tant qu'artiste.
Un enfant couché dans son lit dans France tour détour deux enfants
Rayon vert

« France tour détour deux enfants » de Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville : Les enfants jouent à la télévision

26 septembre 2024
Un jour, quelqu'un de la télé a dit : on aimerait bien célébrer le centenaire du Tour de la France par deux enfants (1877) d'Augustine Fouillée alias G. Bruno, classique de la pédagogie à l'époque de la toute jeune Troisième République. Une nouvelle composition à rendre après Six fois deux / Sur et sous la communication (1976). Un nouveau devoir à faire « à la rude école de la télévision ». Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville y ont répondu, tout simplement, par « un mouvement de 260 millions de centimes vers une petite fille et un petit garçon ». Être à l'écoute du discours de l'autre et son enseigne quand il est un enfant, deux enfants qui pensent, c'est montrer, après les grandes catégories politiques à l'époque du groupe Dziga-Vertov, qu'il n'y a pas de politique vraie sans qu'elle n'ait pour autre versant celui de la « micropolitique ».
Des spectateurs voyagent dans l'oeuvre VR A Conversation with the Sun d'Apichatpong Weerasethakul
Histoires de spectateurs

« A Conversation with the Sun » d'Apichatpong Weerasethakul : La grotte des rêves perdus

22 septembre 2024
A Conversation with the Sun, la première œuvre VR d'Apichatpong Weerasethakul, explore, par le rêve, la mémoire de la conscience humaine en prise avec son existence physique et le mystère de ses origines. Le visiteur plonge dans une grotte des rêves perdus où il peut se ressouvenir de ses rêves antérieurs ou, comme Oncle Boonmee, de ses vies passées, puisque notre corps garde secrètement la mémoire de son premier ancêtre.
Viggo Mortensen dans son bar dans A History of Violence
Rayon vert

« A History of Violence » de David Cronenberg : Le secret derrière la porte

21 septembre 2024
A History of Violence de David Cronenberg ne raconte pas simplement que la barbarie n'est jamais très loin. Elle est au plus proche. Elle fait mouche. Elle est en nous. Elle fait nous. La civilisation n'est que sa camisole de force, dont il fallait encore défaire toutes les coutures dans un film qui ébroue d'autant plus que sa facture est classique.
Jude Law et Jennifer Jason Leigh reliés par un Pod dans eXistenZ
Esthétique

« eXistenZ » de David Cronenberg : Virtualités sensorielles

20 septembre 2024
Aussi sensuel que cérébral, eXistenZ participe d’une véritable déconstruction des codes du cinéma de science-fiction classique. Pour le spectateur, l’entrée dans le monde d’eXistenZ est une expérience synesthésique totale. Les images chez David Cronenberg ont une odeur, un goût, une consistance. Le cinéma est un corps qu’il est désormais possible de ressentir. Il est la Nouvelle Chair.
Mia Wasikowska couchée sur une étoile d'Hollywood Boulevard dans Maps to the Stars de David Cronenberg
Rayon vert

« Maps to the Stars » de David Cronenberg : Ce qui s'écrit de l'inceste

20 septembre 2024
Depuis les années 2000, le traitement clinique propre au cinéma de David Cronenberg élargit sa sphère d'analyse. Il y raffine, par concentration du style et variation dans ses objets et ses récits, le caractère monstrueux de ses nouvelles excroissances. Il étire ainsi les spires de la toile propres à ses exercices de viralisation arachnéenne. Avec Maps to the Stars, il s'agit d'infiltrer et d'assimiler un sous-genre caractéristique de l'industrie hollywoodienne, à savoir sa propre satire. En adoptant une stratégie déflationniste, le choix du minimalisme s'amuse délibérément à friser la déception en jouant de déceptivité. La distance clinique qui engage à la soustraction comme à la neutralisation des clichés déplace les enjeux comiques de la satire du côté de la représentation à froid d'une familiarité inquiétante. La force d'insinuation de Maps to the Stars, réelle bien qu'en-deçà des longs-métrages précédents, ne saurait cependant se réduire à la seule justesse sociologique de son scénario, ainsi qu'à quelques-uns de ses accents grotesques. Le clinicien frôle le cybernéticien avant que l'insinuation des conventions ne fasse apparaître une écriture autre, psychotique et cryptique. L'inceste s'y révèle moins comme la vérité monstrueuse et criminelle de l'homogamie que comme un événement inassimilable dans un monde qui a anéanti la force transgressive de l'amour. Et aboli les poètes qui en écriraient les étoilements pour en chanter les astres scellés.
James Woods face à la télévision dans la célèbre scène de Vidéodrome de David Cronenberg
Rayon vert

« Vidéodrome » de David Cronenberg : La grande illusion

20 septembre 2024
Série d’hallucinations érotiques et gores, Videodrome visite les profondeurs de la psyché sous le régime de la consommation insatiable des images, où l’espace intime est peuplé par ces monstres méconnus : les écrans.
Zoé Lucas sur l'île de Sable dans Geographies of Solitude
Rayon vert

« Geographies of Solitude » de Jacquelyn Mills : Matière et mémoire

11 septembre 2024
Toute matière affecte et est affectée. Dans Geographies of Solitude, la matière-île affecte la matière-cheval qu’elle accueille. Loin des humains, elle s’est acclimatée à ce lieu unique, elle s’est ensauvagée. Île et chevaux se confondent tout comme Zoé Lucas a fini par se fondre dans l’île. Ce rapprochement de la scientifique et de l’environnement matériel qu’elle analyse a inspiré l’un des gestes fondamentaux du film de Jacquelyn Mills : promouvoir un régime d’intelligibilité du monde qui ne distingue pas raison et sensations, mais qui postule au contraire leur salutaire association.
Larissa Corriveau seule dans la maison dans Mademoiselle Kenopsia
Rayon vert

« Mademoiselle Kenopsia » de Denis Côté : Découvrir le vide

31 août 2024
Denis Côté, jouant avec radicalité de l’esthétique des espaces liminaux, donne vitalité à l’expression nécrosée de l’expérience cinématographique. Celle qui, au-delà d’une narration ou d’images, s’impose et s’adresse directement à nos sens, particulièrement, ici, à ceux qui guident l’appréhension. Dans le vide qui sépare les lieux dans lesquels Mademoiselle Kenopsia se loge, le réalisateur québécois nous fait éprouver les possibles de l’attente. L’écran de projection devient alors réceptacle et vecteur de l’inconscient, le recevant après l’avoir excité dans une rétroaction continue. Et lorsque le film termine et nous accompagne au-delà du cinéma, il n’en reste que la mémoire, celle des sentiments qui se sont manifestés lors d’un ennui conscient.
Zoe Saldana danse au gala de charité dans Emilia Perez
Critique

« Emilia Perez » de Jacques Audiard : L'invraisemblable cynisme

27 août 2024
Il faut, paraît-il, accepter Emilia Perez comme un film invraisemblable. Mais cette histoire de baron de la drogue qui veut se racheter de ses fautes accouche en même temps d'un invraisemblable cynisme qui est à peu près son seul horizon, à l'exception de la délicate tension apportée par Karla Sofía Gascón. C'est que la vraisemblance peut avoir un double sens quand elle exprime quelque chose d'invraisemblable : le cynisme atteint un tel degré d'invraisemblance qu'il en devient l'invraisemblable vérité du film. Au final, Audiard se la joue plutôt Grand Jacques en livrant sa reprise des « Bigotes » qui traduit bien le cheminement du film et la réaffirmation vieillotte d'un auteur attaché à ses artifices, exactement comme Leos Carax.
JR photographie un prisonnier dans Tehachapi
Critique

« Tehachapi » de JR : Misère de l’humanisme carcéral

25 août 2024
Une prison de haute sécurité californienne, un suprémaciste blanc repenti et une photo de famille géante collée sur le sol du terrain de basket : JR, dans Tehachapi, a soigneusement choisi les ingrédients de son nouveau documentaire bigger than life. Mais tel l’éléphant qui accouche d’une souris, l’artiste sert finalement une soupe libérale, à l’avant-poste du maintien d’un insoutenable consensus carcéral.
Raimu dans La Femme du boulanger de Marcel Pagnol.
Rayon vert

« La Femme du boulanger » de Marcel Pagnol : Le fournil d'enfer du discours

25 août 2024
Le four banal de la conflictualité locale requiert un boulanger pour en pétrir la pâte avant de la faire cuire, et faire ainsi levain de toutes les bonnes pâtes qui ont fini par rassir dans son pétrin. Ce qui en sortira pourtant, crûment, c'est non seulement la question sexuelle et sa répression, c'est encore son traitement social afin que la collectivité en tire son profit. Car manger du pain du boulanger, c'est en goûter la cruauté. La boulange à la manière de Marcel Pagnol ne craint pas de mettre la main dans le pétrin de la répression des sexualités dominées. Pour son artisan, gagner son pain à la sueur de son front, c'est aussi prendre en considération que la sudation descend jusque dans le creux le plus intime de son pantalon. Si le discours est le pain blanc de qui en a besoin pour parer à la crise mimétique, la pâte à pain de certains discours est aussi plus grumeleuse, plus cruelle et crue que d'autres, farcie des rappels à l'ordre des prisons conjugales, ces rasoirs qui font verser des larmes de honte. Le pain bénit du discours a ses béni-oui-oui comme il a ses victimes émissaires, avec pour les uns ses foyers d'attention et de consécration quand, pour les autres, il vaut rien moins que d'infernal fournil.
Isabela Merced dans la lumière à l'intérieur du vaisseau dans Alien : Romulus
Rayon vert

« Alien : Romulus » de Fede Alvarez : Le noir de la terre

16 août 2024
L'alien est l'hôte qui n'a de pulsion qu'à l'hostilité, l'intrus que ses otages se doivent expulser. Dans Alien : Romulus, les adolescents prolongés qui en affrontent la monstrueuse multiplicité découvrent soudain qu'ils sont expulsables, eux aussi. Abonnés aux profondeurs minières de la terre même quand ils se projettent dans l'espace, ils rêvent d'une sortie vers le soleil en risquant d'être évacués dans le noir intersidéral, à l'instar de vulgaires déchets. Eux qui se voyaient en bons platoniciens à la fin comprennent qu'ils sont l'embarrassante portée des fondations romaines, sa chiée, les enfants des profondeurs obscures et des pesanteurs objectales de la terre, la plus dévoreuse d'entre toutes les mères.
Jim et Karim Leklou dans Le Roman de Jim des frères Larrieu
Interview

« Le Roman de Jim » : Interview d'Arnaud et Jean-Marie Larrieu

12 août 2024
Situé quelque part dans un nouage entre le réalisme, le désir et l'onirisme, le travail d'Arnaud et Jean-Marie Larrieu nous a toujours intéressé par sa singularité. C'est pourquoi leur venue en juin dernier au BRIFF à Bruxelles était l'occasion de discuter avec eux de leur dernier film, Le Roman de Jim, et de le mettre en dialogue avec leurs films précédents. Portant notamment sur le travail d'adaptation, sur la métamorphose, la figure de l'épiphanie ou encore la rencontre du trivial et de la grâce, la discussion dévia aussi sur l'opposition de leur démarche avec celles d'autres réalisateurs. La rencontre s'est agrémentée d'une autre, avec le comédien Karmi Leklou, qui nous aura également éclairé sur le film et sur son propre rapport au travail d'acteur et au cinéma.
Cooper (Josh Hartnett) dans la salle de concert dans Trap de M. Night Shyamalan
Critique

« Trap » de M. Night Shyamalan : Misères de la mise en boîte

9 août 2024
Concevoir des films comme des pièges à regard, c'est pour M. Night Shyamalan jouer de perspective et d'imbrication, double fond, triple fond, etc. Et rappeler ainsi au spectateur qu'il n'y a de redoublement et de retournement possible qu'en raison d'une faille originaire logée dans son regard, ce vide qui peut tout accueillir, l'empathie mêlée au savoir qu'il a pour figure la pire. Mais à quoi bon montrer, dans Trap, que le fond fait varier les parallaxes en ouvrant toujours à la possibilité de la ligne de fuite, si c'est pour retomber ensuite dans les filets d'Œdipe, avec ses petites boîtes qui font le cercueil des bonnes idées ? C'est qu'il y a deux papas, un méchant et un gentil, et si le premier sait captiver le regard, le second travaille à ne pas décevoir sa fifille.
Maxine dans la rue avec son amie dans MaXXXine de Ti West
Critique

« MaXXXine » de Ti West : Le bûcher des vanités

5 août 2024
Une, deux, trois, en compagnie de Maxine nous retournons à son bois. Quatre, cinq, six, y sentir une dernière fois le houx dont le feu sacré sert à d'antiques sacrifices. Sept, huit, neuf, avec un nouveau panier mais cette fois-ci les œufs y seront moins frais. Dix, onze, douze, pour concocter une omelette hollywoodienne qu'affadit sûrement le ketchup abusif du cynisme. Le bois de houx dont se chauffe MaXXXine de Ti West, le troisième et dernier volet dédié à la féroce Maxine, fait d'abord rougir et cuir la peau des sataniques années 80, avant de mener à la baguette un récit accordé à la nécessité du malheur pour réussir à se faire une place au soleil, même s'il est caniculaire.
Les Sept Samouraïs dans un champ dans le film d'Akira Kurosawa
Esthétique

« Les Sept Samouraïs » d'Akira Kurosawa : Le huitième samouraï

4 août 2024
L'ascension d'une montagne pareille à celle des Sept Samouraïs valait bien la critique rongeuse des souris de la censure, de l'occupant aux franges conservatrices du public. L'occupé a ainsi répondu symboliquement à l'occupant, dans la migration des formes et leur créolisation réciproque, autant que dans la fureur des images que la fiction épique dialectise. Dans la réponse de l'occupé à l'occupant, il y a autant de manières que de matières dès lors qu'il existe une pression des forces qui poussent les formes classiques à leur déformation en ouvrant, dans la suspension des figures comme dans leur excès, dans les ruptures de rythme comme dans les accélérations narratives, à la poussée élémentaire des matières. L'épique revient ainsi à qualifier comment le temps long de la paysannerie aura connu au 16ème siècle une époque de sa sédimentation historique en recouvrant sous la terre le temps fini des guerriers. Car il y a le temps de la question et celui du problème et ce ne sont pas les mêmes. Des samouraïs sans feu ni lieu, autrement dit des rônins finissent dans la terre que cultivent ses garants, les paysans qui ont le garde des morts qu'il y a en dessous et dont le nom même – pagus – dit en latin la paix. Le pagus dit autrement la page que l'écriture laboure, et par extension les plans. Akira Kurosawa est le huitième samouraï et sa leçon repose dans la terre arable de ses films.
Franck (Daniel Auteuil) parmi ses arnaqueurs sur La Penichette, dans "La Petite Vadrouille"
Rayon vert

« La Petite vadrouille » de Bruno Podalydès : La vie est une petite rivière agitée

4 août 2024
Si de prime abord, La Petite vadrouille semble être le film le plus misanthrope de Bruno Podalydès, charriant la satire sociale aussi subtilement qu'un Chatiliez dans un magasin de porcelaine, le film incite son spectateur comme ses personnages à « voir plus loin ». En utilisant la parabole du bateau naviguant à vue vers un horizon dégagé ou pas, le film utilise aussi les écluses comme vecteurs de fermeture ou d'ouverture, faisant de la dernière une véritable promesse d'avenir plus radieux.
Hamza Meziani dans la forêt dans Six pieds sur Terre
Histoires de spectateurs

« Six pieds sur Terre » de Karim Bensalah : Voyage au bout de la vie

28 juillet 2024
Il faut voir absolument et de toute nécessité Six pieds sur terre de Karim Bensalah, à l'heure où s'affichent sans plus de vergogne tous les discours rances sur l'islam, l'arabité, l'identité. Il faut voir Six pieds sur terre avant qu'il soit trop tard, avant les bruits de bottes, avant qu'un jour on vienne, à votre tour, frapper à votre porte.
Mila dans la mer dans Creatura
Rayon vert

« Creatura » de Elena Martín : Y a-t-il un trauma dans l’avion ?

28 juillet 2024
Dans le sillage du mouvement #MeToo, que faire de l’expérience ordinaire de la sexualité, jonchée de heurts et de frustrations, mais sans grand traumatisme duquel tout le récit procède ? S’il est intéressant pour le cinéma d’aller ausculter les violences sexuelles en s’éloignant des cas de figure les plus explicites et révoltants, c’est qu’il existe tout un territoire à défricher entre la célébration du désir et la mise en lumière de son caractère funeste.
Le tueur zombie dans la nature dans In a Violent Nature
Esthétique

« In a Violent Nature » de Chris Nash : La vengeance d'un cadreur

20 juillet 2024
In a Violent Nature de Chris Nash invente sa propre forme de hantise à travers une recherche esthétique sur le cadrage, le regard et la peur. L'influence revendiquée de Gus Van Sant serait alors un catalyseur et non l'objet d'une comparaison impossible à faire tenir. Le mort-vivant est au centre d'une mise en cadre qui cadenasse le récit, rien ni personne ne pouvant échapper à sa mise en scène car il en impose le rythme et décide du sort des figurants.
La forêt dans la première partie de Eureka
Rayon vert

« Eureka » de Lisandro Alonso : L’incompréhension du monde

20 juillet 2024
Par la mise en simultanéité dans un même récit de plusieurs époques et de plusieurs lieux, de différents modes de représentations des autochtones et de la domination qu’ils subissent, Eureka de Lisandro Alonso rend compte de la condition amérindienne saisie au travers des structures oppressives qui en modèlent les contours.
Carmen et Antonia dans L'image permanente
BRIFF

« L'image permanente » de Laura Ferrés : Sauver les âmes mouvementées

14 juillet 2024
Dans L'image permanente, la photographie ne vole pas les âmes. Elle les sauve, le temps d'une rencontre, de la morosité dans laquelle elles baignent, ces impasses temporaires dans lesquelles le passage du temps a forcé Carmen et Antonia à se replier. Mais les choix esthétiques de Laura Ferrés sont avant tout au service de son empathie pour les personnages et d'un humour décalé qui adoucit l'influence du passage du temps : Carmen et Antonia sentent encore le souffle d'un sauvetage de leur vie dans leur dos, ce souffle permanent qui rappelle qu'heureusement rien n'est jamais joué.
Katy O'Brian et Kristen Stewart sur leur camionnette dans Love Lies Bleeding
Esthétique

« Love Lies Bleeding » de Rose Glass : Un amour mythologique

14 juillet 2024
Love Lies Bleeding s’intéresse aux pulsions qui poussent irrémédiablement le corps vers des objets d’assouvissement, qu’ils soient vitalisants, mortifères, ou les deux. De ce point de départ, Rose Glass ramène l'amour à son existence physique, voire physiologique, qui ne serait qu'une autre modalité de la vie du corps, tout en enrobant son récit d’une patine mythologique qui en densifie la portée évocatrice.
Margaret Qualley, Willem Dafoe et Jesse Plemons enlacés dans Kinds of Kindness
Critique

« Kinds of Kindness » de Yorgos Lanthimos : Et in Arcadia ego

5 juillet 2024
Posons qu'il y aurait trois genres de gentillesse mais qu'elles reviennent fondamentalement au même. L'identique rend caduque toute dialectique quand la variété apparente des formes de l'obligeance, d'un salarié pour son patron, d'une femme pour son compagnon, d'une sectatrice pour son gourou, fait le lit d'une propension avérée mais avariée à la domination. Dans Kinds of Kindness, trois fables font ainsi itération d'un monde simplifié à l'extrême, clivé entre deux positions auxiliaires, l'une pour qui s'abandonne à l'asservissement, l'autre pour qui en profite du côté du commandement. Même Javellisée, la clinique des arbitraires réglés et des absurdités de la vie moderne délivre la même chirurgie ablative quand le tiers en vient comme ici à manquer.
Anna Magnani chante et danse dans Larmes de joie
Esthétique

« Larmes de joie » de Mario Monicelli : Le miracle entre les miracles

4 juillet 2024
Les miracles ostentatoires sont l'office du faux. Entre deux simulacres, se faufile toutefois un miracle d'autant plus vrai qu'il est moins perceptible, mais essentiel est son caractère affirmatif. C'est le pacte des bras cassés, les naufragés du « boom » économique qui en sont aussi les rescapés quand ils échappent aux festivités qui sacrifient à l'individualisation des maux sociaux. Le miracle est encore celui de Larmes de joie qui extrait de son trio de comédie une dialectique du faux qui a le vrai pour souci.
Antonia (Clara-Maria Laredo) avec son outil de distanciation dans "À son image"
BRIFF

« À son image » de Thierry de Peretti : Une vie distante

4 juillet 2024
Sept ans après Une vie violente, Thierry de Peretti revient en Corse pour aborder les guerres fratricides du nationalisme dans À son image, mais le fait à partir du regard distancié de son personnage principal, la jeune photographe Antonia, elle-même observée et racontée par une tierce personne. Cette double — voire triple — distanciation éclaire et théorise le point de vue et la position du cinéaste, entrant en résonance avec sa manière de filmer et sa direction d'acteurs.
Mina (Dakota Fanning) face à elle-même dans "Les Guetteurs"
Esthétique

« Les Guetteurs » d’Ishana Shyamalan : Force de l'imitation

28 juin 2024
Si elle emprunte les sentiers battus par son père, Ishana Night Syamalan a aussi choisi d'assumer pleinement l'influence de son cinéma sur son travail. Bâtissant un film de genre à la fois mythologique et psychologique, elle emprunte des trucs et astuces à son aîné — le recours aux règles, les dévoilements progressifs, etc. — mais fait de cette propension à imiter, à dupliquer, une véritable force qui devient le sujet même des Guetteurs.
La fin du film sur la plage dans In Water
Rayon vert

« In Water » de Hong Sang-soo : Seul sur la plage le jour

23 juin 2024
Le flou est une composante de tous les films d'Hong Sang-soo. Il est introduit par l'alcool qui va réorganiser l'existence des personnages ou, inversement, ceux-ci ne savent pas toujours où ils vont, le flou enrobant leur vie et l'alcool vient y apporter un peu de clarté. Le flou a ainsi toujours circulé dans les deux sens, avec les joies et les peines qui l'accompagnent. Celui que matérialise le cinéaste dans In Water n'est au fond que l'expression imagée traduisant la solitude, la mélancolie et la volonté d'en finir d'un jeune cinéaste tournant son film testamentaire.
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