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Tous les personnages de Je suis toujours là de Walter Salles sur la plage.
Critique

« Je suis toujours là » de Walter Salles : Réenchanter la dictature

David Fonseca
Je suis toujours là de Walter Salles avait semble-t-il pour ambition de filmer l’histoire d’un père disparu sous la dictature brésilienne des années 70. Il n’en sera jamais rien. Dans un discours rance, il se fait l’agent complice de toutes les autocraties, décide de se débarrasser du corps du disparu, pour nous délivrer sa philosophie morale et politique dans un film mou à tendance (droite) dure.
David Fonseca

« Je suis toujours là », un film de Walter Salles (2024)

Le film de Walter Salles avait-il pour ambition de montrer les effets de la dictature militaire au Brésil, depuis les années 70, jusqu'à la période contemporaine ? Avait-il encore pour ambition de s'intéresser à la question de l'absence, filmant une famille brésilienne orpheline du père, disparu sous ladite dictature ? Avait-il tout simplement la moindre ambition ? Si les vingt premières minutes de Je suis toujours là semblaient augurer d'un propos au minimum tangible, filmant le bonheur d'une famille infusé peu à peu par la dictature militaire, paradoxalement, au moment où la tension dramatique est à son comble, le film délaisse sa dramaturgie initiale pour s’enchâsser dans un nouveau récit, moins visible a priori. Curieusement, à l'instant où le père est soustrait de son existence pour interrogatoire, le film disparaît. Il nous laisse orphelin de son récit pour en proposer un autre, définitivement problématique. Sa mise sous silence du père en devient une forme d'aveu, dans le cadre d’un interrogatoire que l’on ne verra jamais. L'aveu de sa complaisance à l'égard du caporalisme brésilien, toutes époques confondues, est rendu par sa forme comme sa narration.

Walter Salles raconte le destin d'une famille bourgeoise brésilienne, dont le père a été un ancien député dans les années 70. Convoqué pour interrogatoire par les militaires, il n'en revient plus. Cette histoire est celle du roman familial d'un ami d'enfance de Walter Salles dont le père a disparu, rapportée dans un récit ayant servi de support au film. Je suis toujours là semblait dès lors donner tous les gages d'un film sur les disparus sous la dictature brésilienne. Il n'en sera jamais rien. Le père évaporé, le film le met au secret définitivement, l'oublie pour transformer son intrigue. Son sujet paraissait dès lors se déporter sur la question de l'absence d'un père dans une famille, ses conséquences pratiques. Tout aussi intéressant aurait pu être ce sujet. Il ne sera ni question de l'un (le père disparu sous une dictature), ni de l'autre (une famille sans père). Je suis toujours là en devient une curiosité. Un film qui, décidant de s'absenter de ses sujets, parle pourtant fort et distinctement une autre langue, toute totalitaire. Il ne sera pas le film d'un regard personnel sur la montée du fascisme pas plus qu'un regard sur le destin d'une famille brésilienne sans père, tangentiel à la dictature brésilienne. Rien, donc ? Au contraire, Je suis toujours là est une petite chose qui fait grand mal.

Après ces vingt premières minutes, il aurait été pourtant possible de sortir de la salle pour se rassurer, revoir les documentaires de Patricio Guzman sur les disparus de la dictature chilienne, retourner en terre brésilienne pour s'attarder autant sur les Portraits fantômes de Kleber Mendonça Filho. Un documentaire qui, images d'archives personnelles et familiales à l'appui, parvient tout à la fois à révéler le travail de la même dictature que filme Walter Salles à la même époque que ses implications contemporaines, sourdes mais tectoniques. Un documentaire sans avoir besoin d’en repasser nécessairement par la fiction de son Bacurau, qui porte autant sur la dictature au Brésil. Il fallait pourtant tenir, se demander pourquoi Je suis toujours là, si grand succès en salle au Brésil, avait-il décidé de s'éteindre ? Que pouvait bien cacher son éclipse ?

Walter Salles voulait-il filmer l'histoire à travers un destin individuel ? Comment une communauté se trouve broyée par son mouvement ? Il en délaisse le sujet jusqu'aux cahiers des charges. Il n'est pas même didactique ou bien informatif. Au plan de la construction narrative, importante pour un récit à vocation historique, intime et/ou national, ce que l'on apprend est toujours déduit, par hasard, en une sorte de déflation de l'intrigue. Fortuitement, on comprend que le père est un ancien député, peut-être aux activités anti-fascistes, sans certitude : les réunions, les lettres remises, se produisent dans le regard de la mère. Son combat, sa lutte politique, sont écartés du film, à ce point qu'ils en deviennent négligeables. Walter Salles ne s'y attarde pas. Le père déporté, il déporte son film. Un choix sursignifiant. Je suis toujours là voudrait effacer cette histoire. Faire comme si ce disparu n'avait jamais existé. Un passé désormais révolu/résolu. Pour aller de l'avant, au pas de charge.

Je suis toujours là n'est donc jamais engagé. Il est désengagé. Jamais ne se ressent la moindre nécessité, qu'on sentait poindre dans Les graines du figuier sauvage, malgré ses faiblesses. Non pas une absence d'engagement politique, celle de l'artiste qui sent la nécessité de son œuvre. Ainsi, quand Mohammad Rasoulof filme autant une dictature en Iran, quand les sœurs Coulin s'intéressent au cas de la France avec Jouer avec le Feu, chacun s'efforce de saisir le sujet dans son présent. Walter Salles s'y refuse. Il y a chez le cinéaste une déprise avec le contemporain, qui va produire une influence sur le régime des images. Tout est reconstruit dans Je suis toujours là, et, paradoxalement, à vouloir faire vrai, tout y sonne faux. L'artifice est partout, le film nulle part. De la scénographie (scène de danse gênante en plan regard caméra, où l'actrice semble véritablement embarrassée, ni convaincue ni convaincante) au choix du grain de l'image comme de conserver les trous dans la pellicule, cette patine seventies, ce super 8 pour faire film de famille, ces options sont tellement conventionnelles, pour ne pas dire conformistes, voire passéistes, qu'elles font finalement sens. À procéder d'une forme de révérence à l'égard du destin de cette famille, à la rendre au plus clair, Walter Salles réduit son propos au sens culinaire du terme : à montrer à découvert cette famille, se produit une évaporation de ses personnages. Il y a pourtant des films d'histoire de famille qui les rendent présent, d'une certaine manière, sur un autre sujet, typiquement The Fabelmans. Chez Walter Salles, l'hommage se transmue en oraison funèbre d'une famille, pour ne pas dire de tout un peuple, en décidant d'évacuer du champ comme du hors-champ le père disparu. Un film historique, version révisionniste.

Ces faiblesses, qu'il s'agisse de se désintéresser du sort du disparu comme du traitement réservé à la famille, ne doivent pas en effet être considérés simplement comme un défaut majeur du film. S'y révèle une lâcheté. Elle réside dans le noyau dur du film, le choix initial d'avoir voulu faire un film d’hommage à l’ami, le fils du père disparu, en reconstituant son enfance. Je suis toujours là est un film tout à la gloire de ce garçon qui deviendra écrivain handicapé, un dithyrambe. Il s'apparente au film de plaisir sur le passé intime d'une famille, son roman photo, la version brésilienne du Comte de Monte Cristo, la France fière de ses châteaux, le Brésil de ses plages à Rio, par quoi s'ouvre le premier plan de Je suis toujours là, qui se terminera sur les sempiternelles photos des « vrais » personnages de l'histoire. Toute une époque comme un monde recyclé dans ses clichés, avec une mise en scène à ce point conventionnelle de reconstruction/reconstitution historique qui se veut à l'identique qu'elle aplatit toute forme d'intrigue comme de respiration fictionnelle.

Fernanda Torres dans Je suis toujours là de Walter Salles.
© StudioCanal

Ce choix scénaristique de se concentrer sur la réussite du fils n’est pas anodin. Walter Salles décide de faire de son récit de nuit un film solaire, nuit blanche où Phébus ne se coucherait jamais plus, un coucher de soleil permanent sur les rivages du Brésil. Un film carte postale, le formidable destin d'une Amélie et son brésilien, la destinée superbe de cette famille, tout à la gloire du fils, l'ami. La dictature brésilienne n'était donc qu'un prétexte pour mieux mettre en scène une success story brésilienne, le film de son grand été permanent, dont la lumière écraserait tout, son passé compris, son actualité aussi.

Je suis toujours là en devient rance. Son Alzheimer pose un autre type de problème si l'on prend au sérieux le choix du cinéaste d'avoir inscrit cette histoire sous la dictature brésilienne. En l'oblitérant de ses liens avec le présent, la venue au pouvoir du président fasciste Jair Bolsonaro entre 2019 et 2022 par exemple, Walter Salles procède d'un même geste que toutes les dictatures sud-américaines sur la question des disparus. Il les encave tout à fait dans chacun de ses choix scénaristique comme de mise en scène. Il les enterre une seconde fois. Définitivement. Son film procède alors d'une muséification, une manière de dire que rien n'est arrivé, de circonscrire la problématique autocratique au passé, quand la révolution, disait Bourdieu, s'arrête à la porte des musées. Si le cinéma n'a pas, seul, vocation à changer le monde, il a notamment pour tâche d'en modifier les perceptions. Je suis toujours là a un tout autre projet. Il voudrait crever les yeux.

Le père disparu, pourtant, possède encore une forme de corporéité, que lui dénie le film. Il est un fantôme. Un fantôme dans la famille, un fantôme de l'histoire du Brésil. Ce fantôme, contrairement à ce que voudrait laisser croire Walter Salles, se trouve donc dans une forme de présence au monde. Une compagnie toute spectrale. Il est en attente de qualification. En quête de reconnaissance(1). Il réclame. Soit que l'on retrouve son corps, soit que des rituels soient accomplis, soit que des mécanismes de réparation se mettent en place à l'égard de ce qui lui était dû. Il espère qu'on l'accueille. Soit pour l'enterrer tout à fait, soit pour continuer de vivre avec. Walter Salles lui refuse cette dignité. Empêche de le redensifier pour lui rendre un destin posthume. Le restituer dans son épaisseur afin que ce mort ait une vie auprès des vivants. Il l'ajourne définitivement. Lui interdit une qualité de vie, une promotion dans l'existence. Walter Salles le proclame : tout va bien, oubliez vos disparus, voyez comme votre pays est beau. Faites votre travail de deuil ! Ce terrible mot du « travail » de deuil. Il entend répéter en compagnie de ces charretées de psys que le mort est bien mort, qu'il n'existe plus, qu'il serait temps de prendre acte de la réalité, l'accepter pour lentement se détacher des liens avec le disparu pour être en mesure de réinvestir d'autres objets. Lui substituer dans le film la réussite du fils, comme si un individu était subsumable sous n'importe quelle autre catégorie, un produit remplaçable. Agent complice du pouvoir dictatorial brésilien, son homme de main, on n’osera pas dire son homme de caméra, Walter Salles refuse la mort au mort.

Je suis toujours là délivre ainsi son fonds comme sa morale politique. Il voulait faire croire qu'il était anti-fasciste. Il promeut tout d'abord une logique néo-libérale de l'accomplissement de soi à travers la mise en lumière du fils, le père sous l'éteignoir. Walter Salles procède ainsi d'une approche très fonctionnaliste de la mort, selon laquelle seuls les vivants seraient concernés par la question, dont seuls les « vivants » seraient les bénéficiaires pour acter le processus de la mort, s'en réparer, faire du lien social à cette occasion, être consolé, faire son deuil. Un « travail » qui consiste pour Walter Salles à éliminer le disparu. Un film pour l'époque, en somme. Un film de winner. Muskien. À la seule gloire de ceux qui s'en sortent, qui a son nom : les résilients.

Je suis toujours là, qui fait du travail de deuil son horizon spécifique, devient l’agent complice de la pseudo-vulgarisation de la théorie freudienne du deuil, applicable à toutes sortes de situation, comme faire le deuil de sa jeunesse, de son couple, de ses ambitions, de ses idéaux, accompagnée de toutes sortes de courbe, une manière de manager nos existences, ses changements dans l'ordre des choses. Une vulgate que Walter Salles reconduit complaisamment. Or, selon Freud, on ne fait jamais son deuil. On n'efface pas ses morts. Au moment de la mort de sa fille Sophie, frappé par cette épreuve, il dit : aucun objet ne viendra se substituer. Aucun remplacement. Aucune réparation. Aucune restauration. Le travail de deuil n'existe pas. La mort est une perte sèche. Aucun compte d'apothicaire ne rééquilibrera jamais quoi que ce soit. Le mort est un trou dans le réel. Innommable. La seule possibilité offerte : trouver des points d'appui. Des figures de bord afin de borner le trou pour ne pas devenir soi-même gouffre. Walter Salles dit tout l'inverse. Il se fait le chantre des impératifs de productivité et de performance, du bien-être, du devoir de bonheur que doit manifester chaque citoyen comme un devoir éthique et civil au nom de quoi le disparu devient finalement une figure honnie. Comme s'il n'était pas seyant de témoigner de sa tristesse. Comme si elle était une obscénité. Comme si en témoigner était pornographique. Ce refus contemporain de la tristesse. Cette injonction au bonheur qui écrase tout. Sur fond de quoi, par ce choix de se séparer de son disparu, Walter Salles détruit toute forme d'alternative politique viable à l'extrême-droite. Pire, il la reconduit dans son principe.

Pour le comprendre, un détour s'impose par les travaux de Vinciane Despret(2). La philosophe propose une éthologie des morts, à partir de Deleuze. Dans ses cours sur Spinoza, Deleuze propose en effet sans doute la définition la plus pertinente de l'éthologie. Il la définit comme la science pratique des comportements, l'étude pratique des manières d'être. Or, chaque vivant, chaque objet, matériel ou immatériel, a une manière d'être. Sa manière d'être sont ses puissances, les puissances qu'il porte en lui, qu'il tend à actualiser. L'éthologie en devient l'étude de ce dont les êtres comme les objets sont capables. Un objet comme le diamant porte ainsi en lui une puissance : il est capable de couper le verre quand « le rêve est une divine volonté de puissance », dit Deleuze. Les morts ont-ils autant une puissance ? Ils ont de redoutables puissances. Ils peuvent empêcher de vivre les vivants. Rendre incapables de renouer avec les joies de la vie tout comme ils peuvent rendre capables de choses extraordinaires comme de continuer à communiquer avec eux, en les rêvant. Il ne s'agirait donc pas tant d'étudier les puissances des morts que ce dont les morts rendent les vivants capables.

Walter Salles refuse de reconnaître l'existence d'une interdépendance, la mise en place d'un groupe communiel, à l'instant de faire disparaître son disparu quand les morts ont des puissances. Des puissances qui ne leur permettent pas toutefois d'agir directement dans le monde, mais rendent capables les vivants d'action, ce qu'empêche Walter Salles de sourdre tout à fait.

Pour l'expliquer, Bruno Latour, anthropologue, philosophe, sociologue, utilise souvent une vignette de bande dessinée. La petite Mafalda voit son père fumer. Elle lui demande pourquoi ? Le père répond qu'il a la liberté de fumer quand Mafalda lui rétorque qu'elle croyait que c'était la cigarette qui le fumait. Le père découpe alors la cigarette en morceaux. Les deux ont tort, dit Bruno Latour : le père de croire qu'il est parfaitement autonome dans sa décision de fumer, de manière émancipée, libre ; Mafalda de considérer que la cigarette possède le pouvoir de fumer le père. Elle n'a pas cette puissance-là, cette agentivité-là, malgré ses pouvoirs. La cigarette fait bien autre chose : elle fait fumer le père quand le fusil des dictatures fait disparaître l'innocent. Au fond, nous sommes dans des relations où les objets ne sont pas passifs, mais où les individus ne sont pas davantage pleinement actifs. Nous nous trouvons dans des relations de faire-faire. Des cascades de faire-faire qui font monde, à le reconnaître. Le bon registre pour penser la manière dont les morts continuent à être présents parmi nous, leur mode de présence, serait donc de se demander ce qu'ils nous font faire. Ainsi, un mort peut nous faire rêver quand Walter Salles lui en proscrit la possibilité. Ce faisant, il empêche toute forme de société possible dans son film. En oubliant son disparu, il engloutit tout un monde. Il croit faire Brésil. Il l'entombe : si « l'avenir est une porte », « le passé » doit en être « la clé », écrit Hugo, qui s'y connaissait en condamné.

Finalement, ce discours louangeur sur la réussite du fils du père disparu produit un bien curieux discours filmique. Il s'agit d'une louange qui, dans son prononcé, efface tout à la fois le père, tout comme il devient un panégyrique à la gloire de tous les régimes qui se sont fait fort de nier la mort de leurs disparus, sans jamais que ce discours soit prononcé par le cinéaste mais par les spectateurs, consciemment ou non. Cette louange est pour le moins paradoxale, puisqu’elle se dit dans le film sans jamais être littéralement prononcée. Walter Salles dévoile ainsi son programme. Il met en place un devoir de voir, qui révèle en creux une fonction d’ostension, qui n’est pas sans suggérer que Je suis toujours là cache aussi bien qu’il exhibe son propos ; mieux, ce film nauséabond ne saurait donner à voir les qualités de la dictature brésilienne, ses vertus, sans les cacher. Il travaille en permanence à mettre à jour le caché. Cette réversibilité nécessaire de l’ostension fait tout l’art abject de Walter Salles, celui qui montre le caché. Il vise en effet un objet qui n’existe pas, qui pourtant est l’objet principal de son discours : le fascisme. Il offre au spectateur un objet, les vertus du fascisme, mais qui ne sera pas vu directement, parce que le spectateur est tout occupé à en viser un autre qui lui est accessible immédiatement à la vision : la réussite d'un fils. Les deux faces du paradoxe s’incarnent donc dans deux objets que Je suis toujours là met solidairement en jeu : un objet lisible mais non vu, un objet conçu, désiré, mais radicalement illisible. Dans les deux cas de figure, l’objet est cependant toujours identique : Je suis toujours là s'articule strictement et nécessairement sur la même logique de disparition que celle sur laquelle repose toutes les dictatures. Le plus terrible ? La réception du film, son « succès » public en salle au Brésil. Sa manière d'être parvenu à encaserner tout un peuple-cinéma dans sa logique de vignette rétro-fasciste sans jamais que quiconque ne s'en aperçoive véritablement. Un monde non plus surgi du néant, mais des entrailles du vivant, peuplé de ses propres fantômes qui n’ont même plus besoin de hurler à la porte au milieu de la nuit, qui s’étalent au grand jour dorénavant, là-bas comme ici. Et de constater, tristement, comme le jour semble se rétrécir quand les cauchemars se fiancent ainsi.

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