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Pauvre bûcheronne vient de recueillir le bébé dans "La Plus précieuse des marchandises"
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« La Plus précieuse des marchandises » de Michel Hazanavicius : Le conte d'un fossoyeur

15 décembre 2024
Retour, sous la forme d'une dyade, sur la La Plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius et la manière dont le film représente la Shoah. Par une double opération simplificatrice, celle du conte et celle du dessin, La Plus précieuse des marchandises se heurte de plein fouet aux problématiques de la représentation de la Shoah. Dans sa première partie, le film opte pour l'illustration pittoresque d'un récit d'adoption mis en parallèle avec le hors-champ de la guerre et des camps, tandis qu'il se vautre lors de la deuxième dans une dépiction horrifique des corps de déportés. Cette obscénité en deux temps est encore alourdie par la figure du fossoyeur présente dans le film et dans la posture de fossoyeur qu'adopte une nouvelle fois Michel Hazanavicius pour triturer ce qui a trait à la mort, afin de réussir son tour de passe-passe et émouvoir le spectateur.
Becca (Olivia DeJonge) se filme dans le miroir dans The Visit
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« The Visit » de M. Night Shyamalan : Politique du found footage

15 décembre 2024
The Visit a souvent été perçu comme une petite renaissance de M. Night Shyamalan qui s’était égaré dans des productions fumeuses à gros budget. Force est de constater que l’économie de moyens propre au found footage le stimule. Mais loin de se plier aux règles tacites de ce sous-genre horrifique, il les renouvelle avec brio. Cette fois, les esprits maléfiques sont renvoyés au fond du grenier et les corps restent. La caméra n’est pas abandonnée au sol par des disparus, elle s’accroche aux mains des vivants. Le temps d’un improbable séjour chez des grands-parents perdus, les postures et impostures des personnages s’évanouissent et des transformations s’opèrent.
DJ Mehdi aux platines dans la série Arte DJ Mehdi : Made in France
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« DJ Mehdi : Made in France » de Thibaut de Mongeville : Ni barreaux, ni barrières, ni frontières ?

23 octobre 2024
Primé à Cannesséries sur la Croisette au printemps 2024, la série documentaire en six épisodes d'Arte consacrée au célèbre DJ Mehdi, à l'instant de rendre les derniers hommages à son génie comme à celui qui aurait su réconcilier les mondes (le rap, l'électro, la French touch), enterre en grande pompe la banlieue comme tous ceux qui s'y agitent au son du rap. Une manœuvre en sous-main sous forme de rengaine trop souvent reprise en chœur par certains banlieues-films récents, que la série, par-devers elle, orchestre une énième fois.
La frontière mexicaine aux USA dans De l'autre côté
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« De l'autre côté » de Chantal Akerman : Sur-réalisme

14 octobre 2024
Un lien existe-t-il entre De l’autre côté et la peinture de René Magritte ? Si c'est le cas, il faudrait alors qualifier certains films de Chantal Akerman de sur-réalistes, puisqu'elle cherche toujours à capter ce qui, dans l'image, s'y loge et la déborde, ce qui la hante et s'y dissémine. Chaque récit que livrent les mexicains face à la caméra rappelle à la vie un fantôme, en l’occurrence un être aimé qui a disparu depuis son passage par-delà la frontière. Le titre du film témoigne ainsi parfaitement de cette volonté de rendre présent l’absence, de faire revenir ceux qui sont passés « de l’autre côté ».
Jude Law et Jennifer Jason Leigh reliés par un Pod dans eXistenZ
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« eXistenZ » de David Cronenberg : Virtualités sensorielles

20 septembre 2024
Aussi sensuel que cérébral, eXistenZ participe d’une véritable déconstruction des codes du cinéma de science-fiction classique. Pour le spectateur, l’entrée dans le monde d’eXistenZ est une expérience synesthésique totale. Les images chez David Cronenberg ont une odeur, un goût, une consistance. Le cinéma est un corps qu’il est désormais possible de ressentir. Il est la Nouvelle Chair.
Les Sept Samouraïs dans un champ dans le film d'Akira Kurosawa
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« Les Sept Samouraïs » d'Akira Kurosawa : Le huitième samouraï

4 août 2024
L'ascension d'une montagne pareille à celle des Sept Samouraïs valait bien la critique rongeuse des souris de la censure, de l'occupant aux franges conservatrices du public. L'occupé a ainsi répondu symboliquement à l'occupant, dans la migration des formes et leur créolisation réciproque, autant que dans la fureur des images que la fiction épique dialectise. Dans la réponse de l'occupé à l'occupant, il y a autant de manières que de matières dès lors qu'il existe une pression des forces qui poussent les formes classiques à leur déformation en ouvrant, dans la suspension des figures comme dans leur excès, dans les ruptures de rythme comme dans les accélérations narratives, à la poussée élémentaire des matières. L'épique revient ainsi à qualifier comment le temps long de la paysannerie aura connu au 16ème siècle une époque de sa sédimentation historique en recouvrant sous la terre le temps fini des guerriers. Car il y a le temps de la question et celui du problème et ce ne sont pas les mêmes. Des samouraïs sans feu ni lieu, autrement dit des rônins finissent dans la terre que cultivent ses garants, les paysans qui ont le garde des morts qu'il y a en dessous et dont le nom même – pagus – dit en latin la paix. Le pagus dit autrement la page que l'écriture laboure, et par extension les plans. Akira Kurosawa est le huitième samouraï et sa leçon repose dans la terre arable de ses films.
Le tueur zombie dans la nature dans In a Violent Nature
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« In a Violent Nature » de Chris Nash : La vengeance d'un cadreur

20 juillet 2024
In a Violent Nature de Chris Nash invente sa propre forme de hantise à travers une recherche esthétique sur le cadrage, le regard et la peur. L'influence revendiquée de Gus Van Sant serait alors un catalyseur et non l'objet d'une comparaison impossible à faire tenir. Le mort-vivant est au centre d'une mise en cadre qui cadenasse le récit, rien ni personne ne pouvant échapper à sa mise en scène car il en impose le rythme et décide du sort des figurants.
Katy O'Brian et Kristen Stewart sur leur camionnette dans Love Lies Bleeding
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« Love Lies Bleeding » de Rose Glass : Un amour mythologique

14 juillet 2024
Love Lies Bleeding s’intéresse aux pulsions qui poussent irrémédiablement le corps vers des objets d’assouvissement, qu’ils soient vitalisants, mortifères, ou les deux. De ce point de départ, Rose Glass ramène l'amour à son existence physique, voire physiologique, qui ne serait qu'une autre modalité de la vie du corps, tout en enrobant son récit d’une patine mythologique qui en densifie la portée évocatrice.
Anna Magnani chante et danse dans Larmes de joie
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« Larmes de joie » de Mario Monicelli : Le miracle entre les miracles

4 juillet 2024
Les miracles ostentatoires sont l'office du faux. Entre deux simulacres, se faufile toutefois un miracle d'autant plus vrai qu'il est moins perceptible, mais essentiel est son caractère affirmatif. C'est le pacte des bras cassés, les naufragés du « boom » économique qui en sont aussi les rescapés quand ils échappent aux festivités qui sacrifient à l'individualisation des maux sociaux. Le miracle est encore celui de Larmes de joie qui extrait de son trio de comédie une dialectique du faux qui a le vrai pour souci.
Antonia (Clara-Maria Laredo) avec son outil de distanciation dans "À son image"
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« À son image » de Thierry de Peretti : Une vie distante

4 juillet 2024
Sept ans après Une vie violente, Thierry de Peretti revient en Corse pour aborder les guerres fratricides du nationalisme dans À son image, mais le fait à partir du regard distancié de son personnage principal, la jeune photographe Antonia, elle-même observée et racontée par une tierce personne. Cette double — voire triple — distanciation éclaire et théorise le point de vue et la position du cinéaste, entrant en résonance avec sa manière de filmer et sa direction d'acteurs.
Mina (Dakota Fanning) face à elle-même dans "Les Guetteurs"
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« Les Guetteurs » d’Ishana Shyamalan : Force de l'imitation

28 juin 2024
Si elle emprunte les sentiers battus par son père, Ishana Night Syamalan a aussi choisi d'assumer pleinement l'influence de son cinéma sur son travail. Bâtissant un film de genre à la fois mythologique et psychologique, elle emprunte des trucs et astuces à son aîné — le recours aux règles, les dévoilements progressifs, etc. — mais fait de cette propension à imiter, à dupliquer, une véritable force qui devient le sujet même des Guetteurs.
William Shatner se coiffe devant le miroir dans The Intruder de Roger Corman
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« The Intruder » de Roger Corman : Terreur blanche

10 juin 2024
Le mineur de fond de l'exploitation avait le démon de l'épouvante. Glissé dans sa série des huit adaptations d'Edgar Allan Poe qui ont établi pour le producteur de films bis sa réputation d'auteur, The Intruder est le film de Roger Corman le plus halluciné d'être le plus politiquement engagé. À cet égard, il fait plus que figure d'intrus dans une œuvre qui, longtemps déconsidérée, taille la part belle à la terreur. À l'heure où était à l'œuvre un processus de déségrégation, son film s'ouvre en effet à une terreur blanche qui a le noir pour exécration infinie.
Le chirurgien au travail dans État limite
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« État limite » de Nicolas Peduzzi : Voyage au bout de la nuit psychiatrique

29 mai 2024
Dans État limite, Nicolas Pedduzi filme des « fous » dans un hôpital public, où la psychiatrie est tenue par un seul médecin, en état limite comme un pays serait au bord du précipice. Car comment sauver des individus de leur maladie, quand l'hôpital est l'expression même de la folie ? Portrait de son médecin, un fou héroïque, placé dans une situation de légitimité sans cesse déligitimée, abolie par le principe même qui l'héroïse, Bardamu d'une guerre célinienne, l'homme au bout de son voyage la nuit, armé jusqu'aux cheveux de sa folie humaniste.
Judith Godrèche dans La Désenchantée de Benoît Jacquot, où elle a été victime de violences sexuelles.
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Le cinéma à l'heure des scandales sexuels : Passer d'un cinéma de la création à la décréation

29 avril 2024
Que faire à l'heure des scandales sexuels au cinéma ? Aller à contre-pente, remonter le courant, faire un état des lieux pour espérer l'habiter autrement. Contre la possibilité du chef-d'œuvre, se débarrasser de l'idée de toute-puissance du réalisateur. Passer d'un cinéma de la création à la décréation car la création sera toujours une diminution, jamais un acte d’expansion : filmer, c'est toujours borner le champ des possibles. Un cinéaste qui voudrait tout dire, tout saisir, ne ferait plus du cinéma. Il encarterait le monde dans son tombeau publicitaire. Un film n'est jamais terminé, autrement dit réalisé. La notion d’auteur est donc à revoir. Il serait peut-être temps de dire que réaliser, c’est trouver sa richesse hors de soi.
Les réfugiés ukrainiens dans le documentaire 20 jours à Marioupol
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« Tu n'as presque rien vu à Marioupol » : Sur les images de la guerre en Ukraine

2 avril 2024
Les images de la guerre en Ukraine tournées par Mstyslav Chernov à Marioupol sont dogmatiques parce qu'elles pensent apporter la preuve par l'image et la Vérité d'un événement, et elles impliquent par là un terrible appauvrissement esthétique de notre relation au monde. Le film du journaliste ukrainien, « 20 Jours à Marioupol », pourtant Oscar du meilleur documentaire et Prix Pulitzer, ne repose que sur l'exhibition de l'horreur afin de pouvoir être digéré par les flux de la télévision qui sont son seul horizon.
Steve dans La Mort de Danton
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« La Mort de Danton » d'Alice Diop : Le gouvernement de soi

31 mars 2024
Alice Diop, dans La Mort de Danton, met en place son cinéma en même temps qu'éclot un acteur au monde, Steve Tientcheu, qu'elle suit durant ses années de formation au cours Simon. Dans ce documentaire, se pose déjà cette question, cruciale : comment faire république ? En mettant en commun et partage une même narration : apporter à la France les récits qui lui manquent pour lui faire le plus beau des films.
Al Pacino face à l'intelligence artificielle dans Simone
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La Grève des scénaristes d'Hollywood : Qu'est-ce que les Lumières du cinéma à l'heure de l'IA ?

18 mars 2024
Il serait temps de prendre conscience de ce qui s'est produit lors de la grève des acteurs comme des scénaristes à Hollywood, cinq mois durant, en 2023. Se défendre contre l'intelligence artificielle ne relevait pas d'un simple intérêt catégoriel, mais civilisationnel : défendre notre part, la liberté de s'inventer d'autres destinées que celles uniformisées, la possibilité de se loger dans des contre-scénarii autrement qu'usinés par l'algorithmie. Une grève qui nous permettrait de reposer la question kantienne à l'heure de l'IA : qu'est-ce que les Lumières sinon la sortie de l'état de minorité dans lequel toutes les politiques d'expertise rendues à l'intelligence artificielle voudrait nous ramener en nous sortant des frères et leur cinéma.
Les dessins des enfants assassinés dans Une des mille collines
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« Une des mille collines » de Bernard Bellefroid : Esthétique du cimetière à ciel ouvert

15 mars 2024
Dans Une des mille collines, Bernard Bellefroid continue de filmer les traces de ce qui ne peut plus être représenté. Il réussit à filmer le quotidien absolument ubuesque d'un village où les anciennes victimes et les anciens bourreaux continuent de cohabiter sur le cimetière de leur histoire. En ce sens, Bernard Bellefroid effectue un travail esthétique où il enregistre la manière dont l'espace est découpé et les corps répartis face à ce qui existe encore.
Juliette Jouan dans la forêt dans L'Envol
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« L'Envol » de Pietro Marcello : De prétendus miracles

22 février 2024
Le réalisateur Pietro Marcello propose avec L'Envol un art naïf qui oppose une esthétique de l’affleurement à la dramatisation pachydermique caractéristique d’un pan significatif du cinéma contemporain. Le film témoigne du cheminement artistique vitalisé d’un cinéaste qui a émigré du documentaire vers la fiction pour en remodeler la pâte et créer de film en film une œuvre à l’esthétique aussi personnelle qu’évolutive.
Le jardin de la maison à coté du camp de la mort de Auschwitz dans The Zone of Interest
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« The Zone of Interest » de Jonathan Glazer : La petite maison dans la prairie aux bouleaux

31 janvier 2024
On ne sort du noir qu’après avoir replongé dans son miroir. Alors ce n’est plus Auschwitz-Birkenau que nous regardons par les bords d’un hors-champ saturé de ce que nous en savons, c’est le plus grand complexe concentrationnaire et génocidaire nazi qui nous scrute depuis une profondeur de champ qui a cessé depuis longtemps d’être innocente. La perspective est un viseur et le spectateur en est la cible. L’ordinaire administratif et domestique est un autre cercle de l’enfer qui a fait l’économie des immunités symboliques du déni. Eux savaient, nous savons et notre savoir est en berne. Reste le miel des cendres que The Zone of Interest cultive avec une sophistication à la limite qui interroge avant de convaincre du pire. L’inhumain est dans notre dos comme devant nous. Le sol carrelé d’un monument qui, s’il ne tremble pas souvent, ne tient qu’à dresser un nouveau tombeau pour la modernité et la mémoire désœuvrée des souffrances niées de l’autre côté du mur, ce noir miroir qu’il nous faudra toujours passer, non seulement parce que cela nous concerne, mais encore parce que nous en sommes cernés.
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« Past Lives » de Celine Song : La mécanique du cœur d'A24

24 janvier 2024
Past LivesNos vies d'avant de Celine Song, voulait à coup sûr être le chef, le grand Indien de quelque chose d'essentiel qui nous travaille, sur le sentiment amoureux, les regrets que nous avons. Mais en permanence Past Lives se tient hors de soi, pour se contester. Il devient alors le complice des puissances qu'il ne cessait prétendument de combattre – la fatalité, le caractère semi-tragique du destin de Nora et Hae Sung, séparés dans l'espace, réunis par le cœur – , quand ses choix formels, prédéterminés par un cahier des charges singuliers, l'ont définitivement labellisé A24, jusqu'à normer, raboter, poncer jusqu'à l'invisible ce qui demandait à surgir instamment : l'amour.
The Card Counter de Paul Schrader
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« Les chambres noires de Paul Schrader » de Jérôme d'Estais : Les bâtisseurs de ruines

14 janvier 2024
Dans son livre, Les chambres noires de Paul Schrader, Jérôme d'Estais a soupesé les chances de tous les personnages schraderiens de ne pas rejoindre le chaos. Leurs efforts pour tracer dans ce vent de l’existence un parcours qui ne serait pas nécessairement exemplaire pour nous faire souvenir de la foudre autant que des plombs. Pour nous dire enfin, dans un geste libre, qu'au plus profond des blessures existentielles des schraderiens, la vie intarissable, sève et sang mêlés, se trouve là par effraction, dans l’attente d’on ne sait quel éblouissement, braise hésitant à reprendre le don du feu, dans une maison d'édition, Marest éditeur, dont la ligne éditoriale, par ses choix, sa singularité, aurait découvert autant qu'elle continuerait d'entretenir le secret.
Nina Menkes devant l'écran dans "Brainwashed"
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« Brainwashed » de Nina Menkes : Réflexions sur le male gaze

12 novembre 2023
Un film qui ne pense qu'en un seul sens et montre la direction, n'est pas un film, mais un ballon qui appartient au vent du tract publicitaire. Brainwashed, de Nina Menkes, sous couvert de pourfendre le « male gaze », ce regard masculin qui dépersonnifierait les femmes, produit un cinéma embué d'horizon rabougri, dont les instruments de la critique finissent par se retourner contre le film.
Barbie et Ken quittent Barbieland dans Barbie.
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« Barbie » de Greta Gerwig : Dressé pour tuer

12 novembre 2023
Barbie, de Greta Gerwig, sous couvert de nuances les efface toutes. Seul demeure pour décor son rose absolu, qui néantise l'individu comme toute forme de vie alternative. Il propose une esthétique du lisse, qui est une politique, une esthétique de la marque, une opération de marquage, une entreprise cool de dressage.
L'homme masqué dans Six femmes pour l'assassin
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Mario Bava : Les cadavres exquis de la thanatopraxie

5 novembre 2023
Achever le classicisme doit se comprendre littéralement. Tout artiste maniériste mortifie ainsi le grand legs classique afin d'expérimenter de nouvelles puissances inorganiques, dans la mêlée du mort et du vivant. Dans les années 1960, Mario Bava qui tourne alors en moyenne trois films par an montre, grâce à sa grande assurance technique, toute l'étendue de son talent de maître italien de l'horreur, à la fois héritier des anciens qu'il honore en variant les genres et les plaisirs (il tourne également des westerns, des néo-polars et des péplums) et inventeur de formes fixant quelques règles à suivre pour ses disciples à venir. Chez Mario Bava, la décomposition des formes, des choses et même des êtres libère des puissances spectrales, l'informe échappant à la capture et la maîtrise par la conscience, au point où la personnalisation de l'inerte a pour complément la dépersonnalisation des individus. Si l'on dit qu'il est un cinéaste mineur, cela signifie d'abord et avant tout qu'il est un cinéaste, un vrai maniériste qui, logé par l'industrie à l'enseigne des formes mineures et si peu considérées du bis, aura œuvré à leur en faire baver afin de les pousser dans cette zone d'inconfort où les compositions les plus ouvragées ont pour obsession une hantise, celle de la décomposition.
Une scène de bataille dans Gangs of New York
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« Gangs of New York » de Martin Scorsese : La vengeance aux deux visages

17 octobre 2023
Opération au coup de poing américain. Martin Scorsese refait la gueule de l'Amérique dans Gangs of New York. La vengeance y devient fondatrice d'un ordre démocratique nouveau, jamais pour le meilleur, toujours pour le pire. La porte du paradis vouée aux gémonies.
Andrew Garfield emprisonné dans Silence
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« Silence » de Martin Scorsese : La renonciation sans le renoncement, fidèlement

16 octobre 2023
Le renoncement est un martyr et sa déposition en est l'allégorie – tous les martyrs de Martin « Marty » Scorsese. La déposition devient allégorie quand « se descendre soi-même », c'est trahir au nom d'une intime fidélité, à savoir renoncer à la religion sans renoncer à la foi, ce petit secret que l'on garde par-devers soi. Le traître est celui qui sait faire la part des choses, entre la renonciation et le renoncement. Quand la religion est toujours bruyante, et hystérique quand elle se fait évangélisation, la foi invite au silence, voilà ce qu'en vérité raconte Silence.
Jésus (Willem Dafoe) portant la croix dans La Dernière Tentation du Christ
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« La Dernière Tentation du Christ » de Martin Scorsese : Ainsi soit l’exception

16 octobre 2023
La controverse associée à La Dernière Tentation du Christ n’a d’autre intérêt que de réinscrire dans la figure de Jésus la dimension scandaleuse que la tradition et l’orthodoxie lui auront retirée. Pour les zélotes fanatiques de la Cause, le scandale revient à qui décide, assumant seul et en conscience l’indécidable d’un acte éthique, ce secret caché dans le mandat messianique. Le christianisme est à l'origine soustraction, sécession, rébellion et cela, Martin Scorsese le sait très bien, examinant les douleurs d’incarner l’exception qu’il reconnaît les siennes quand le récit le plus originaire constitue pour lui les coïncidences de l’exception et de la trahison.
Robert De Niro avec sa crête de cheveux dans Taxi Driver
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« Taxi Driver » de Martin Scorsese : La Vérité derrière la brume

16 octobre 2023
Si Taxi Driver demeure un film fantasmé, en partie (entièrement ?) par son personnage principal, il dépeint pourtant, avec un réalisme cru, une violence bien réelle, une violence intériorisée qui ne demande qu’à exploser. Taxi Driver est un film nimbé de brumes, une déambulation à la fois physique et spirituelle dans les bas-fonds de New York.
Le gang dans la rue dans Le Gang des bois du temple
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« Le Gang des bois du temple » de Rabah Ameur-Zaïmeche : Po-éthique du contre-monde

7 octobre 2023
« L'amour est le miracle de la civilisation », écrit Musset. Rabah Ameur-Zaïmeche en a fait le chant de ses partisans, dans son cinéma. Une manière de penser, dans ses possibilités comme ses impasses, un autre monde que celui que nous sert la politique du grand capital comme des rapports de classe qu'il induit. Soit tenter d'ouvrir une voie, réfléchir autrement l'impossibilité d'être qui et quoi que ce soit dans un monde qui ne cesse de demander notre identité comme de nous y tenir. Notre fiche de futur dégringolé qu'il s'agirait de réinventer.
Giulietta Masina et Anthony Quinn dans "La strada"
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« La strada » de Federico Fellini : Le destin, un tour de piste, une ritournelle

13 août 2023
Le cirque est un ventre originaire avec ses doubles placentaires et le geste fellinien a saisi que l’origine ballotte dans le cahin-caha d’un présent boiteux : le barnum à chaque coin de rue, le spectacle comme seconde nature. Le cirque, non seulement le cinéma en provient mais il aurait pour vocation de montrer que la vie est une comédie, une parade foraine, un spectacle de rue. Le trait est délibérément grossier parce qu’il a l’archétypal pour visée. Gelsomina, Zampanò et Il Matto sont des archétypes, les emblèmes d’une représentation qui tient du mystère à ceci près que le mystère dont les actes racontent un procès relève moins du christianisme que d’un imaginaire païen. Il s’agit de représenter une lutte triangulaire entre tendances, une triangulation de caractères qui est un affrontement entre forces archaïques et emblématiques : l’idiotie, la folie et la bêtise. L’inscription dans le contexte italien d’alors peut déboucher sur la force générique des archétypes qui sont le combat des démons ou génies présidant au destin de chacun. La strada est le mystère de nos propres chamailleries, le cirque ambulant et brinquebalant de notre inconscient, une foire d’empoigne au risque de la foirade.
Mikael Persbrandt dans les couloirs de l'hôpital dans L'hôpital et ses fantômes
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« L’Hôpital et ses fantômes » de Lars von Trier : Le mal par le mal, un mal pour un bien (cinq désobstructions)

17 juillet 2023
L’Hôpital et ses fantômes est un divertissement dévoilant qu’il fait diversion entre deux avertissements. Son auteur est un roi blessé qui arpente les terres vaines de son Royaume en y pompant toute l’eau au risque de s’y noyer. Car le carnaval à l’hôpital débouche sur le procès de son démiurge qu’il faut brûler parce que c’est alors que ses larmes pourront sécher. Lutter contre le nihilisme placentaire de notre temps ne se fait pas sans crainte ni sans tremblement.
Aldo Moro dans Buongiorno, notte.
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« Buongiorno, notte » de Marco Bellocchio : Le sommeil, ses enfants et ses monstres

27 mars 2023
1978, l’Italie est sous haute tension. L’enlèvement d’Aldo Moro par les Bridages Rouges aurait pu mettre le feu à la plaine qui s’apprêtait à accueillir les mânes du « compromis historique » scellé entre la Démocratie Chrétienne et le Parti Communiste. Marco Bellocchio y est revenu par deux fois, avec un long-métrage en 2003 (Buongiorno, notte) et en 2022 avec une mini-série (Esterno notte). Le redoublement du retour mérite qu’on y revienne à notre tour tant il est le marqueur d’une époque dont on n’est toujours pas sorti. Aldo Moro, ce corps qui manque, apparaît ainsi comme un corps en trop, l’encombrant dont tous conviennent de se débarrasser. Avec un panache certain et quelques difficultés, Marco Bellocchio approfondit son obsession, fixée dès son premier film : l’inachèvement historique de l’unité nationale italienne a accouché d’enfants qui, interminablement, font dans leur chambre le procès de leurs parents.
Tom et Ellen Bowen embarquent sur le bateau dans "Mariage royal" de Stanley Donen
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« Mariage royal » de Stanley Donen : En quête de stabilité

10 mars 2023
S'articulant autour de trois scènes cultes de danse dans lesquelles les personnages sont en recherche constante du bon point d'ancrage et de l'équilibre, Mariage royal de Stanley Donen déploie un véritable discours sur la quête de stabilité. Si la recherche de l'équilibre en danse s'accompagne dans beaucoup de comédies musicales hollywoodiennes classiques de celle d'un équilibre de vie, le film de Donen est peut-être celui qui théorise le plus cette dialectique.
Charles (Denis Podalydès) attend le retour de sa femme dans "La Grande magie"
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« La Grande magie » de Noémie Lvovsky : Sortir de la chambre close

3 mars 2023
Troisième film issu d'un appel à projets du CNC visant à favoriser la production de comédies musicales, La Grande magie de Noémie Lvovsky choisit de subvertir la commande et de proposer une comédie « anti-musicale » pour mieux discourir sur la fiction et ses effets. Plus complexe et rugueux qu'il n'y paraît de prime abord, le film tend à s'éloigner de l'éloge béat d'un spectacle illusoire qui maintiendrait son audience dans un enfermement confortable, et s'ouvre au monde tout en gardant la forme désuète d'une opérette de patronage.
La dream team des USA après leur victoire aux Jeux olympiques dans The Redeem Team
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« The Redeem Team » : Les patriotes au travail

21 décembre 2022
Avec The Redeem Team, Jon Weinbach et ses monteurs ont récupéré une quantité impressionnante d'images tournées sur plusieurs années aux côtés des basketteurs de l'équipe olympique américaine dans sa course pour la médaille d'or et le rachat de son honneur. Quelle est la nature de ces images ? Se mettent-elles vraiment au service du discours patriotique du film à la gloire de ses héros ? The Redeem Team montre ce qui généralement, au cinéma, est étranger au patriotisme et, dans une certaine mesure, à l'héroïsme : le travail.
Des images d'archives de joueuses de volley dans Les Sorcières de L'Orient
Esthétique

« Les Sorcières de l'Orient » de Julien Faraut : Dans le filet

21 décembre 2022
La synchronisation des horloges du temps est à l'heure olympique : Les Sorcières de l'orient de Julien Faraut dédié aux exploits de l'équipe de volleyball féminin durant les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964 est sorti moins d'une semaine après l'ouverture des 32èmes olympiades qui se déroulent 57 ans après à nouveau dans la capitale japonaise. Il y a pourtant une étrange inactualité qui se dégage d'un documentaire qui, sous ses dehors pop, se met exclusivement au service de l'arraisonnement d'un sport par une opération idéologique de renaissance d'une nation qui remonte à plus d'un demi-siècle. Que des médaillées d'or participent à redorer le blason terni d'une nation défaite par son impérialisme est une réalité historique qui méritait une analyse politique circonstanciée. Qu'un film s'épargne ce travail en mérite une autre.
La critique de cinéma américaine Pauline Kael
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« Qui a peur de Pauline Kael ? » de Rob Garver : Calamity Kael

16 novembre 2022
Ce qui rend passionnant le documentaire de Rob Garver sur Pauline Kael n'est pas tant ce qu'il montre que ce qu'il révèle bien malgré lui. Sous bien des abords, il s'apparente à ceux de type hagiographique que propose trop souvent Arte sur les acteurs et cinéastes, les sanctifiant. S'il en reprend les tics à multiplier les témoignages à l'appui de l'absolue génie de la grande critique de cinéma, ce sont ses coins en forme d'impensé qui en font l'intérêt. À se focaliser sur le génie de Pauline Kael, l'immense majorité des intervenants dans le film en ayant fait leur mantra, Rob Garver en oublie de questionner la lampe qu'il leur faut frotter pour le faire sortir : où se situe donc la vérité de ce diamant dont le disque semble voué aux seules rayures de la répétition, si ce n'est d'incarner sur sa seule tête un système dont Pauline Kael entendait pourtant se débarrasser ?
Jean-Luc Godard avec une rose en bouche dans Histoire(s) du cinéma
Esthétique

Jean-Luc Godard : Révolution dans la révolution

27 septembre 2022
On n’a jamais été aussi seul, jamais aussi solitaire et peuplé – du cinéma de Jean-Luc Godard. Le cinéma aura été pour lui une passion aussi bien insurrectionnelle que résurrectionnelle : une révolution. « Il doit y avoir une révolution » est l’un des derniers envois, l’une des dernières adresses du Livre d’image (2018). Une révolution dans la révolution, révolution (du cinéma par Jean-Luc Godard) dans la révolution (du monde par le cinéma). Jean-Luc Godard n’est pas le nom propre d’un auteur de films, c’est le nom commun d’une pensée partagée. Une pensée de cinéma partagée par le cinéma, une pensée partagée, en partage et dont le partage est celui d’une non réconciliation essentielle – la révolution qui reste encore à venir. On n’a jamais été aussi seul, jamais aussi solitaire et peuplé. Mais – la phrase d’Elias Canetti est l’une des dernières que Jean-Luc Godard aura ruminée dans sa longue vieillesse, son enfance qu’il aura faite – on n’est jamais assez triste pour faire que le monde soit meilleur.
James Stewart au procès dans Autopsie d'un meurtre
Esthétique

« Autopsie d'un meurtre » d'Otto Preminger : Sauver les apparences, s'en défendre

27 août 2022
L'image est bonheur mais près d'elle séjourne le néant. Comme on y pense devant la fin d'Autopsie d'un meurtre d'Otto Preminger, avec cette poubelle remplie de déchets qui sont l'indice matériel d'une abjection morale. Du bonheur à l'ordure il y va encore du hors-champ, qui est le réel dont se soutient la représentation, l'irreprésentable qui revient au spectateur en ne confondant pas vérité et véridicité. C'est au prix de ce distinguo, qui est une affaire de travelling et de morale, que le grand cinéma classique s'est évertué à sauver les apparences. C'est à ce prix qu'Autopsie d'un meurtre est l'autoportrait de son auteur – un ottoportrait.
Elsa Wolliaston dans le rôle de Magdala
Esthétique

« Magdala » de Damien Manivel : La puissance de l’esquisse

4 août 2022
En donnant a priori des « clés », des indices, à son spectateur afin de l'orienter vers une grille de lecture d'un film qui s'attache aux détails et à ce qu'ils peuvent évoquer en nous, Damien Manivel développe dans Magdala tout un art de l'esquisse et propose une expérience spectatorielle stimulante et réflexive.
Marguerite Duras et la critique : la romancière en train de lire
Esthétique

Critiques de la raison critique : Quand le vert de la terre

14 juillet 2022
Il y a des textes qui ont pour la question critique une valeur programmatique, d’autres sont des pragmatiques qui sacrifient à l’autobiographie. Les uns proposent une phénoménologie du spectateur doublée d’une éthique du spectateur critique, les autres exposent les écritures nécessaires à plonger dans la nuit avant la sortie au jour dans la garde persévérante de l’ombre. Il y a des textes qui situent les enjeux et s’ils sont des jeux de langage, ils sont aussi plus que cela, immunisés contre la tentation de la critique critique. Les lire c’est en accepter la question, c’est consentir à la faire sienne en répondant aux dérangements qu’ils provoquent, qui sont des déplacements sans lesquels la critique n’aurait rien à dire. La critique a des gestes et des actes qui sont des engagements, quoi qu’il en coûte. Les uns composent avec des silences qui sont des retranchements polémiques, les autres avec des secrets indiquant l’amour du cinéma, qui est le partage d’une expérience, celle d’un rapport au monde dont l’écriture est garante. Une manière d’être dont la mélancolie est tantôt visionnaire, tantôt anarchiste.
Seth métamorphosé à la fin de "La Mouche"
Esthétique

Le corps, ses organes, son dehors : Sur trois fins de David Cronenberg

7 juillet 2022
Le cinéma de David Cronenberg a pour propension les organes et la débandade de leur organisation. La débandade des organes, la Bérézina des organisations, la morbidité des organismes : une foire aux atrocités dans les rapports de voracité de l'organique et de l'inorganique. Les organes prolifèrent, les organismes sont excédés, les organisations se délitent. Il y a pourtant un rêve qui se dépose à la fin des plus grands films, Videodrome (1982), La Mouche (1986) et Le Festin nu (1991). Ceux-là accueillent, avec la mort des accidentés de la technique, ces camés de la prothèse, ces toxicos de la machine qui sont des paranos de ses machinations, la libération d'un autre corps : le corps sans organes. Quand le corps sans organe est la mort, la vie du cinéma compose avec la décomposition des organes.
Des habitants du village polonais des images d'archives dans Three Minutes : A Lengthening
BRIFF

« Three Minutes : A Lengthening » de Bianca Stigter : Véracité d'une archive

5 juillet 2022
Avec Three Minutes : A Lengthening, Bianca Stigter apporte sa pierre à l'édifice de la très longue histoire de la représentation de la Shoah au cinéma. En travaillant uniquement au départ de trois minutes d'archives sur lesquelles se superposent des témoignages, elle fait se rencontrer deux traditions de pensée généralement opposées.
Jean-Louis Comolli, critique de cinéma et cinéaste
Esthétique

Sans compter Jean-Louis Comolli : Cinéma documentaire, cinéma minoritaire, cinéma contraire

20 juin 2022
Jean-Louis Comolli : revenir à nous en revenant à lui. Son œuvre est immense, on a de quoi travailler en continuant à dialoguer. Six décennies de cinéma, plus d’une cinquantaine de films tournés, une quinzaine de livres publiés, plus d’un millier d’articles à lire et relire. Si l’avenir est aux fantômes, le cinéma en a aussi – dans l’amitié des revenants sans compter.
Les chef de brigade de Top Chef 2022
Esthétique

« Top Chef » : L'épure, l'ascèse et l'enfant (ou un trou dans la boîte noire) 

10 juin 2022
Enfant de la télévision et du cinéma n'appartenant vraiment ni à l'un ni à l'autre, Top Chef continue à exercer sur nous son pouvoir de fascination. Examen d'un programme aussi radical (dans son écriture, notamment) qu'ambitieux qui ne dit pas son nom. La télé que nous méritons, aujourd'hui. Un texte écrit à quatre mains sous la forme d'un abécédaire avec Mathias De Smet.
Oscar Isaac en train d'écrire dans The Card Counter (Critique)
Esthétique

De l’acte critique comme expérience spectatorielle

30 mai 2022
Écrire ne sera jamais neutre. Mettre en voie cette mécanique de la main, mettre en joute cette mélancolie, ce renoncement à une science du cinéma qui énoncerait le bien autant que le vrai. Penser une agonistique, vaste logomachie au cœur de l’espace critique où s’affrontent des discours pour établir des hiérarchies. Ensauvager l’analyse par ma seule présence de spectateur. Prendre position, agir en primitif au sein du Rayon Vert, comme une manière de ne jamais cesser de tourner dans mes questions : penser mon rapport au cinéma, une façon d’être au monde.
Des acteurs dans Le cinéma de Noël Herpe
Esthétique

Modernité anachronique et renaissance contemporaine : Noël Herpe cinéaste

20 mai 2022
La Tour de Nesle, troisième film et second long métrage de Noël Herpe, est sorti en DVD en avril, édité par Tamasa, et sera diffusé à partir de juin sur Ciné +. Cette sortie, succédant à l'exploitation du film en salles ainsi qu'à celle du documentaire Noël et sa mère (réalisé par Arthur Dreyfus, son ami et complice, rétrospection intime d'une enfance et de souvenirs mêlés avec sa mère), participe ce printemps à une certaine actualité du travail cinématographique herpien. Il m'a semblé intéressant de revenir sur ce travail, composé de trois films - le court métrage C'est l'Homme (2009), les deux longs métrages Fantasmes et fantômes (2018) et La Tour de Nesle (2021).
Gellert Grindelwald (Mads Mikkelsen) dans la scène finale de Les Animaux Fantastiques : Les secrets de Dumbledore
Esthétique

« Les Animaux fantastiques : Les Secrets de Dumbledore » : De l'élémantal élémentaire

12 mai 2022
Plutôt mal-aimé, Les Secrets de Dumbledore, le troisième volet des Animaux fantastiques, tourne néanmoins autour de bien jolies choses : astrologie, quatre éléments, surface, publicité, trains (entre autres). Ou : brève et forcément lacunaire histoire de la surface élémentaire, et de l'incorruptibilité de l'air, en partant d'un (beau) dernier plan.
Kyoko dans Antiporno
Esthétique

« Antiporno » de Sono Sion : Repenser le Roman Porno

4 mai 2022
En 2015, la société de production Nikkatsu propose à des réalisateurs reconnus de réaliser leur propre Roman Porno. Parmi ceux-là, Sono Sion a décidé de s'emparer de ce genre issu des années 70 et dans lequel transparaissait souvent un message politique fort, pour mieux en subvertir et mettre en évidence l'une des tares les plus évidentes, à savoir une misogynie latente voire exacerbée. Dans Antiporno, Sono Sion s'empare donc du Roman Porno pour travailler la question du genre et se sert de la mise en abyme pour mener à bien une réflexion sur le corps et la sexualité féminine.
Jean-Louis Trintignant est Silence dans Le Grand Silence
Esthétique

« Le Grand Silence » de Sergio Corbucci : La violence à froid

22 avril 2022
Le Grand Silence est un sommet du western italien, noir sur fond blanc. La violence y éclate à froid en recourant à la règle qui la justifie. C'est que la loi s'impose à la violence mimétique en y participant quand le droit a besoin d'être suppléé par la loi du marché. Les montagnes enneigées exposent ainsi la surface blanche où s'écrivent les faux raccords du monopole de la violence légitime. Ce monde-là, qui est la fin du western, a été un climax de barbarie. Pour en témoigner, rien de plus approprié que la barbarisation du genre lui-même. La profanation du western a pour vérité les mains mutilées par l'exercice de la pulsion qui s'habille toujours de la règle, jouant l'une contre l'autre pour surenchérir sur la loi et ses apories, y compris celles du genre disséqué comme un cadavre à la morgue.